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Les enfants du silence de Mark Medoff ou la diversité célébrée

Quelle claque que cette immersion hyperréaliste et intimiste dans le monde des sourds, qui se révèle, pour les « entendants, un univers mystérieux, captivant et inquiétant. Portée par des comédiens d’une rare justesse et une mise en scène particulièrement sobre, la pièce de Mark Medoff illumine le Vieux Colombier d’une intensité rare et d’une beauté crue. Véritable cri d’amour à la tolérance, ces enfants du silence vous laisseront sans voix. C’est dit. L’argument : La Comédie-Française présente Les Enfants du silence de Mark Medoff, véritable plaidoyer en faveur du droit à la différence et de la langue des signes, universellement célèbre depuis le

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Les enfants du silence font du bruit au théâtre du Vieux Colombier

Quelle claque que cette immersion hyperréaliste et intimiste dans le monde des sourds, qui se révèle, pour les « entendants, un univers mystérieux, captivant et inquiétant. Portée par des comédiens d’une rare justesse et une mise en scène particulièrement sobre, la pièce de Mark Medoff illumine le Vieux Colombier d’une intensité rare et d’une beauté crue. Véritable cri d’amour à la tolérance, ces enfants du silence vous laisseront sans voix. C’est dit.

L’argument : La Comédie-Française présente Les Enfants du silence de Mark Medoff, véritable plaidoyer en faveur du droit à la différence et de la langue des signes, universellement célèbre depuis le film oscarisé de Randa Haines en 1986.
Au sein d’une école pour sourds et malentendants, un orthophoniste – qui œuvre avec succès à l’apprentissage de la langue parlée – se heurte à une ancienne élève, devenue femme de ménage, et qui refuse le principe d’une langue normative. À travers leur histoire d’amour, la metteure en scène et réalisatrice relève la façon dont les codes sociaux conditionnent les relations humaines. Elle crée un espace de rencontres, à la recherche du « vivre ensemble ».

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Sur la scène du Vieux Colombier, Sarah est interprétée par l’étonnante et bouleversante Françoise Gillard © Mirco Cosimo Magliocca

La critique : Sarah (épatante Françoise Gillard) est un joli brin de fille. Un peu sauvage, un peu chétive, pour vivre, elle fait des ménages dans un institut de rééducation pour sourds et malentendants. Enfermée dans les murs de cet établissement et dans le silence qui est son quotidien, elle se sent presque libre à l’abri des diktats de la société. Et pourtant, ce petit bout de femme a la rage au cœur. C’est une rebelle. Sourde de naissance, rejetée par sa famille qui ne la comprend pas, elle refuse d’apprendre à parler et revendique, avec fougue et parfois agressivité, sa différence, sa propre langue : le langage des signes. Devant cette détermination inébranlable, Jacques (charismatique et fascinant Laurent Natrella), un jeune orthophoniste plein de bonne volonté, loin d’être désemparé, tente tout pour sortir Sarah de ce monde de silence. Inventant chaque jour de nouveaux moyens de communiquer, il est bien décidé à entrer dans l’univers de la farouche jeune femme. Le choc des cultures est violent. C’est un véritable coup de foudre.

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Jacques (Laurent Natrella) et Sarah (Françoise Guillard) embarqués dans les affres de la passion © Mirco Cosimo Magliocca

Dès les premiers refus de Sarah, Jacques est séduit par cette jeune sourde si différente. Son intelligence le subjugue. Très vite, il en tombe amoureux. Commence alors une danse passionnée et passionnante entre les mots, les gestes, les signes et les regards. Créant leur propre langage codé, les deux jeunes gens succombent à l’attractivité de leurs corps, perturbant quelque peu l’univers confiné de l’institut, et provoquant quelques savoureux quiproquos. La jeune Lydia (désarmante et désopilante Anna Cervinka), élève modèle, ne comprend pas pourquoi Jacques ne s’intéresse pas plutôt à elle qui fait tout pour s’intégrer. Denis (touchant Elliot Jenicot), amoureux de Sarah, souffre de voir son double, sa petite passionaria révolutionnaire lui échapper… Très vite les tensions entre ces deux mondes parallèles qui ont du mal à se croiser vont éclater avec une violence sourde, palpable, qui n’épargnera ni sentiment, ni personne, pas même le public.

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Un couple confronté à la difficulté de communiquer © Mirco Cosimo Magliocca

Sous fond de différences et de difficultés à communiquer, la pièce brosse un portrait touchant et réaliste de ce monde du silence, à mille lieues de celui des entendants. Autant dire que le sujet est sensible, d’autant plus que pour la première fois, aucun sourd n’est présent dans la distribution. Cette posture a d’ailleurs soulevé quelques polémiques qui, bien que légitimes, semblent bien vaines, tant les comédiens du Français ont su, à force de travail et de sensibilité, entrer parfaitement dans leur rôle. La force de la pièce et son message en sont clairement renforcés, et permet à la langue des signes d’entrer par la grande porte au répertoire de la Comédie-Française.

Clairement, on est bluffé par la performance des comédiens, tant il semble qu’ils évoluent avec aisance et familiarité d’une langue à l’autre. Françoise Gillard, dont l’une des sœurs est sourde, est criante de vérité en Sarah. Elle en a la fragilité et la force. Cassante, violente souvent, tendre rarement, elle a les attitudes des oiseaux blessés. Elle virevolte, elle danse sur la scène du Vieux Colombier dans une chorégraphie saccadée, tranchante. Très vite, elle embarque les spectateurs dans son univers intérieur et en fait les fervents défenseurs de son combat, de sa lutte contre les normes sociales d’un monde du bruit qui refuse la différence.

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La troupe du Français plonge avec délicatesse et humilité dans le monde du silence © Mirco Cosimo Magliocca

Face à la comédienne belge, le charme brut et le sourire ravageur de Laurent Natrella constitue un contre-poids idéal. Son jeu est ahurissant de vérité. Il ne joue pas, il est Jacques. Avec aisance et naturel, il jongle entre langue parlée et langue des signes, fascinant de sincérité. Autour de ce duo épatant, la charmante Anna Cervinka incarne avec beaucoup de second degré une jolie godiche absolument irrésistible, et la talentueuse et émouvante Catherine Salviat compose avec justesse une mère incapable de comprendre son enfant, plus maladroite que méchante, et dont la dure carapace cèdera. L’ensemble de la troupe est au diapason et incarne avec beaucoup d’humilité les différents personnages qui soutiennent et illustrent ce manifeste du droit à la différence. Tous les comédiens ont travaillé, durant près d’un an, avec le coach Joël Chalude, qui jouait l’orthophoniste dans la pièce, montée en 1993, et qui a révélé au public Emmanuelle Laborit.

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Sarah et Jacques, la folie de la passion ©Mirco Cosimo Magliaocca

Adapté en Français par le duo Jean Dalric et Jacques Collard, cette nouvelle version des Enfants du silence est, au-delà des performances des comédiens, remarquable par sa qualité pédagogique et par l’étrange intimité qui se crée entre la salle et la scène. La mise en scène sobre, presque minimaliste, d’Anne-Marie Etienne, a le grand mérite de permettre au public de faire partie intégrante de la distribution, chacun devenant le confident des protagonistes qui défilent sur scène. Plongé ainsi au cœur de cette difficile romance entre langue parlée et langue des signes, de cet amour impossible entre Sarah et Jacques, le spectateur vit une expérience sans précédent, un véritable parcours initiatique qui ne le laissera pas indemne, et le rendra peut-être plus tolérant, enrichi d’un monde nouveau. Fascinant. Saisissant…

Les enfants du silence de Mark Medoff
Comédie-Française
Théâtre du Vieux-Colombier
Jusqu’au 17 mai

Mise en scène d’ Anne-Marie Etienne
Décor de Dominique Schmitt
Costumes de Florence Emir
Lumières de Laurent Béal
Son et musique de François Peyrony
Maquillages et coiffures de Cécile Marchione
Conseiller en langue des signes française : Joël Chalude
Avec Catherine Salviat, Alain Lenglet, Françoise Gillard, Laurent Natrella, Nicolas Lormeau, Elliot Jenicot, Anna Cervinka

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