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Le roi Lear d’Olivier Py… Tragédie hystérique

La cour d’honneur du palais des Papes résonne de cris, de hurlements et de vociférations déclamatoires. En déchirant le silence si brutalement, si férocement, si vulgairement, Olivier Py livre une version « trash » et violente du roi Lear de William Shakespeare, empreinte de son dégoût du monde qui l’entoure. En accentuant l’hystérie de cette tragédie, il pointe les dérives de notre société où la politique se meurt et l’humanisme n’est plus qu’un lointain souvenir. Trop investi dans ce projet qu’il voit comme un aboutissement de sa carrière, Py achoppe par une démesure non maîtrisée. Epuisé, laminé, sonné, la tête au bord

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Le roi Lear (Philippe Girard) déchaîne les passions au cœur de cour d’honneur du palais des Papes ©Christophe Raynaud de Lage

La cour d’honneur du palais des Papes résonne de cris, de hurlements et de vociférations déclamatoires. En déchirant le silence si brutalement, si férocement, si vulgairement, Olivier Py livre une version « trash » et violente du roi Lear de William Shakespeare, empreinte de son dégoût du monde qui l’entoure. En accentuant l’hystérie de cette tragédie, il pointe les dérives de notre société où la politique se meurt et l’humanisme n’est plus qu’un lointain souvenir. Trop investi dans ce projet qu’il voit comme un aboutissement de sa carrière, Py achoppe par une démesure non maîtrisée. Epuisé, laminé, sonné, la tête au bord de l’explosion, ébloui par la sobriété, la primitivité et la rusticité des décors, difficile de trancher tant on est balloté entre pénibilité et éclat… A chacun de juger.

L’argument : avant d’abandonner son pouvoir à ses filles, il veut savoir laquelle des trois lui exprimera son amour avec le plus d’emphase et obtiendra la part la plus importante de l’héritage. Le silence de Cordélia, plus encore que la marque de son intégrité, signe l’aveu d’impuissance de la parole face à la « raison instrumentale ». Ce silence provoque la folie de Lear et la chute de tous.

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Edgard (Matthieu Dessertine), l’ange déchu © Christophe Raynaud de Lage

La critique : alors que les critiques et le « bouche à oreille » ont déjà distillé leur venin, leur jugement acerbe, que les billets se revendent à la pelle sur la grand place, les gradins de la cour d’honneur du palais des Papes débordent. Pas une place n’est laissée libre. Curieux, aficionados et autres badauds sont venus au spectacle ou se repaître de la bête. Tous en auront pour leur compte. Tous pourront dire « on l’a vu, ce fameux roi Lear revisité par Olivier Py. » Tous pourront donner leur avis. Et c’est bien là l’important, dépasser le commun et le général pour aller vers l’individuel, le ressenti.

Le décor est fait de bois brut et clair, de bois de palettes, de palissades. Dessus, des graffitis indéchiffrables, noirs « charbon », servent d’ornement. Le ton est donné. Le spectacle sera âpre, difficilement digeste, résumé à son essence primitive : le texte retraduit par Olivier Py. Pas besoin de fioritures dans cette version très personnelle du roi Lear, les mots du metteur en scène et les attitudes des comédiens suffisent. Tout y est rugueux, acide, obscène.

Clochard sans abri, Edgar (Matthieu Dessertine) fasse à la folie du roi Lear © Christophe Raynaud de Lage
Clochard sans abri, Edgar (Matthieu Dessertine) fasse à la folie du roi Lear © Christophe Raynaud de Lage

Dès les premières minutes, Olivier Py déchire l’image d’Epinal d’un monde idyllique. A la pureté et l’innocence de Cordélia (la gracieuse ballerine Laura Ruiz Tamayo), il oppose l’inhumanité et le bruit d’une machine, une moto montée par le démoniaque Edmond (l’impérieux et sexuel Nâzim Boudjenah). La messe est dite. Elle est noire, sombre, annonciatrice de chaos. C’est la fin d’un temps. Un roi fatigué (impressionnant Philippe Gérard), sur le déclin, cède le pouvoir à ses trois filles. Pour recevoir son dû, chacune devra montrer la force de l’amour filial. A la flatterie éhontée des deux aînées, la plus jeune (Cordélia), la préférée, s’enferme dans le silence et la soumission. Le vice étant plus fort que la vertu, les premières seront recompensées, la dernière humiliée, déshéritée, rabaissée. De cette décision funeste naîtra le désordre. Le règne de la justice prendra fin, laissant le mal et l’abomination s’installer.

Qu’on l’aime ou pas, Py a cette capacité rare de déchaîner les passions, de créer l’événement, de faire réfléchir, quitte à choquer. Loin d’être sulfureux, il donne en pâture, sans fard, sans filtre, sa vision du monde. Il provoque, il heurte, il malmène les consciences. Son roi Lear est un manifeste, un constat d’un monde qui a perdu sa beauté, sa grâce, et qui s’enfonce chaque jour un plus dans la fange. Perturbant, violent, le spectacle dérange et déroute. Inaboutie, peu compréhensible, brouillée et brouillonne, la vision sombre, funeste, macabre, de l’artiste finit avec le temps par atteindre son but. Il faut pour cela passer outre la stridence des cris, la vulgarité des postures et l’obscénité des mots qui nous envahissent jusqu’à l’asphyxie et au dégoût, ce qui est loin d’être aisé. Le spectacle en pâtit, divisant le public entre huées et applaudissements.

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La folie du roi et d’Edgar © Christophe Raynaud de Lage

Festival d’Avignon IN
Le roi Lear De william Shakespeare
Cour d’Honneur du Palais des Papes
84000 Avignon
Jusqu’au 13 juillet 2015
tous les jours à 22H00, relâche le 9 juillet
durée 2h30

Traduction et mise en scène d’Olivier Py assisté de Thomas Pouget
Scénographie, décor, costumes et maquillage de Pierre-André Weitz
Lumière de Bertrand Killy
Son de Dominique Cherpenet 
A
Avec 
Jean-Damien Barbin
, Moustafa Benaïbout,
 Nâzim Boudjenah de la Comédie-Française, 
Amira Casar
 ,Céline Chéenne, 
Eddie Chignara
, Matthieu Dessertine
, Emilien Diard-Detoeuf
, Philippe Girard, 
Damien Lehman, 
Thomas Pouget, 
Laura Ruiz Tamayo, 
Jean-Marie Winling

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