Revenant aux sources de la farce burlesque de Molière, avec la gourmandise et la simplicité qui le caractérise, Jean-Philippe Daguerre monte un Avare façon théâtre de tréteaux des plus sympathiques. Sans fioriture, allant à l’essentiel, il signe un spectacle rythmé, drôle et vivant qui séduit petits et grands. Une friandise savoureuse et douce aux parfums d’antan à partager en famille.
On pénètre chez le sieur Harpagon (excellent Dider Lafaye) à pas de loup pour ne rien déranger. La maisonnée semble endormie depuis bien longtemps. Dans la pénombre, on distingue quelques silhouettes de meubles que de Vieux draps grisonnant protègent de l’usure du temps, de la poussière. Pourtant au loin, un homme, cheveux hirsutes, s’agite. Pelle à la main, regard hagard, suspicieux, il fait quelques allers-retours avant de disparaître dans les coulisses. Tellement affairé à eviter de se faire remarquer, il ne voit pas l’ombre d’un valet qui suit de loin son étonnant manège.
Alors que le fond du plateau plonge dans l’obscurité, l’avant-scène s’éclaire laissant apparaître deux jeunes gens en pleine confidence. Le très dandy Cléante (admirableAntoine Guiraud) conte ses amours pour la belle Marianne (agréable Armance Galpin), à sa douce sœur Elise (plaisante Mariejo Buffon), qui en profite pour livrer les élans de son cœur pour le ténébreux Valère (épatant Stéphane Dauch). S’encourageant tous deux, sûrs de leur fait, les deux enfants du cupide Harpagon s’apprêtent à plaider leur cause espérant convaincre leur père de leur droit à la félicité. C’est sans compter les désidérata du vieux grigou, prêt à vendre sa progéniture au plus offrant, si cela peut lui mettre d’entasser encore plus d’or dans sa fameuse cassette. Mais, on est chez Molière, tout finira par s’arranger grâce à un rocambolesque retournement de situation où le vil homme sera ridiculisé et les amants réunis.
Passionné des textes classiques et tout particulièrement ceux écrits par Molière, Jean-Philippe Daguerre plonge une nouvelle fois dans l’univers satirique et drolatique du dramaturge français. Il s’approprie l’une de ses pièces les plus savoureuses, se délecte de sa mécanique caustique pour mieux en retranscrire la force comique. Loin de vouloir renouveler le genre, le directeur de la compagnie « le grenier de Babouchka » préfère le théâtre de tréteaux et adapte l’Avare sous forme d’une farce espiègle et facétieuse. Et c’est avec plaisir qu’on se laisse entraîner dans le tourbillon malicieux particulièrement rythmé qu’il nous a concocté pour l’occasion. Ponctuant sa mise à scène de quelques trouvailles scénographiques – tel le jeu de lumière entre l’avant et l’arrière scène par exemple -, réunissant sur scène des comédiens dont la complicité dépasse largement le plateau, il signe un spectacle vivant où la force du verbe n’a d’égal que l’énergie déployée par les mouvements des corps.
Si l’on est conquis par cet Avare un brin granguignolesque, c’est aussi par la qualité des comédiens qui se démènent comme de beaux diables. Tous habités par leur personnage, ils nous embarquent dans l’univers burlesque de cette farce satirique. Seul bémol au tableau, Frosine, qui de mère maquerelle manipulatrice se transforme en voyante pithiatique, et perd de sa superbe et frôle la caricature.
Ne boudons pas notre plaisir, Jean-Philippe Daguerre en bon vivant qu’il est, a su donner à cette comédie toute la puissance farcesque voulue par Molière. Somme toute, un délicieux moment de théâtre à partager entre amis ou en famille !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Article paru sur le site du magazine Attitude-Luxe
L’Avare de Molière
Théâtre du Ranelagh
5, rue des vignes
75016 Paris
Jusqu’au 18 mai 2019
Durée 1h45
Mise en scène et adaptation Jean-Philippe Daguerre assisté de Philippe Arbeille
Avec Didier Lafaye, Philippe Arbeille ou Olivier Girard, Pierre Benoist, Grégoire Bourbier ou David Mallet, Mariejo Buffon, Stéphane Dauch ou Etienne Launay, Gary Grines, Armance Galpin, Antoine Guiraud ou David Slovo, Stéphanie Wurtz
Création costumes de Catherine Lainard
Décors et accessoires de Simon Gleizes et Frank Viscardi