La gouaille du titi parisien, le phrasé rapide et sec, l’accent pointu, les cheveux noirs jais coupés courts, c’est sûr, cela ne peut-être que Kiki de Montparnasse. Muse et amante de Man Ray, elle fut une des figures incontournables de l’entre deux-guerres. En lui rendant hommage dans un spectacle musical à la fois simple, amusant et de belle qualité, Hervé Delvoder, à la mise en scène, et Miléna Marinelli, à l’interprétation, font revivre ,le temps d’un soir les années folles… Emporté par les mélodies qui chapitrent le spectacle et par les images vidéo qui ponctuent l’histoire, on se laisse facilement séduire par l’évocation enlevée et joyeuse de cette femme au tempérament hors du commun.
L’argument : L’histoire de Kiki de Montparnasse au travers d’un spectacle musical et joyeux qui évoque l’exubérance des années folles et le parcours incroyable de cette star emblématique d’une époque haute en couleurs. Elle fut muse et modèle pour les grands peintres de l’Ecole de Paris, témoin de l’éclosion de Modigliani, Soutine, Fujita, Utrillo, Desnos, Cocteau, Man Ray et tant d’autres… Kiki fut aussi peintre, chanteuse et « amuseuse » de cabaret, toujours animée d’une irrépressible envie de « donner de la gaité aux gens. »
La critique : Pour évoquer le Paris artistique des années folles, la vie romanesque de celle qui fut la reine de Montparnasse et l’amie ou l’amante des artistes de l’entre deux-guerres s’est imposée comme une évidence à Hervé Devolder et Miléna Marinelli. Pourtant c’était osé… Kiki de Montparnasse étant surtout connue des amateurs d’art. Le pari des deux complices est largement réussi.
A peine installé dans la petite salle du théâtre de la Huchette, le spectateur est projeté un siècle en arrière. Sur scène, un petit brin de femme, les cheveux noirs jais coupés à la Louise Brooks, respire la joie de vivre. Rayonnante dans sa robe verte, celle qui fut tour à tour chanteuse, danseuse, gérante de cabaret, peintre et actrice, se remémore son enfance, en Bourgogne, marquée par la pauvreté, son adolescence et son arrivée à Paris, ses relations conflictuelles avec sa mère, ses petits boulots qui se succèdent à un rythme effréné, son tempérament de feu, son caractère intraitable, la guerre, le froid et la faim. Le portrait, loin d’être misérabiliste, est joyeux, humain. Kiki n’est pas de celle qui cède. C’est une battante, une combattante qui force le destin. Alors qu’un hiver glacial aurait pu l’emporter, elle est recueillie par le peintre Chaïm Soutine. Cette rencontre improbable lui ouvre les portes de la Rotonde. Commence alors son irrésistible ascension dans le monde artiste de l’entre deux-guerres. Elle a du chien la petite et ne s’en laisse pas compter.
Modèle d’Amedeo Modigliani et de Tsugouharu Foujita, muse et amante de Maurice Mendjizki et de Man Ray, elle laisse définitivement pauvreté et mauvais traitement derrière elle. Alice Ernestine n’est plu. Kiki de Montparnasse explose au grand jour. En peu de temps, la bâtarde de Chatillon-sur-Seine devient l’égérie du Paris des années folles, la coqueluche de Montparnasse.
Afin de coller au plus prés de ce personnage de légende, Hervé Devolder a construit un spectacle inventif alliant jeux de comédiens , vidéos projetant les œuvres la représentant, ainsi que quelques moments de se vie réinventée pour l’occasion, des chansons courtes rythmant l’ensemble. Moderne et sobre, voire simpliste, la scénographie s’adapte au mieux à l’étroite scène du théâtre de la Huchette. Afin de souligner l’importance du show et de la musique pour Kiki de Montparnasse, derrière un voile transparent, la musicienne Ariane Cadier accompagne au piano textes et chansons.
Avec juste ce qu’il faut de gouaille pour faire revivre le parler des années 20 de ce Paris interlope, où Hemingway côtoie Van Dongen, où la guerre artistique gronde entre Montmartre et Montparnasse, Miléna Marinelli se glisse aisément dans la peau de ce séduisant et exubérant personnage qu’est Kiki et ressuscite le temps d’un soir cette malicieuse et grivoise reine des années folles.
Emporté dans les souvenirs de cette femme d’exception, on se laisse bercer par cette sympathique fantaisie musicale. Et on en oublierait presque la chaleur un point suffocante de la salle si la fin ne s’étirait pas en longueur. Une infime imperfection pour un spectacle plein de joliesse et de légèreté…
Kiki d’Hervé Devolder et de Miléna Marinelli
Théâtre de la Huchette
23 Rue de la Huchette
75005 Paris
Jusqu’au 29 août 2015
du mardi au vendredi à 21 heures, le samedi à 16 heures
texte et mise en scène d’Hervé Dévolder
avec Miléna Marinelli, Ariane Cadier
Costumes de Michèle Pezzin
Chorégraphie de Catherine Arondel
Lumières de Denis Koransky