Des couleurs psychédéliques, des décor « ultra- kitsch », des portes qui claquent, des quiproquos à gogo, des comédiens faussement mauvais et l’épatante Catherine Frot font de Fleur de Cactus une comédie hilarante, menée tambour battant par le déroutant et charismatique Michel Fau. Epatant !…
Le rideau se lève sur une chambre de bonne, très « girly », tout n’est que rose et frou-frou. Le décor de carton-pâte « so sixties » se joue des perspectives. Sur un faux lit, une femme pulpeuse, blonde comme les blés, en nuisette, semble dormir. C’est la jeune et belle Antonia (ingénue et rayonnante Mathilde Bisson). Alerté par une odeur de gaz inquiétante, un homme (craquant et envahissant Wallerand Denormandie) tente d’entrer par tous les moyens. Il finit par franchir une lucarne qui sert de fenêtre. In extremis, il sauve sa jolie voisine qui, suite à une énième déception amoureuse a attenté à ses jours. De cette rencontre fortuite va naître une complicité envahissante.
En deux temps trois mouvements, la chambre disparaît pour laisser place à l’accueil d’un cabinet dentaire. Derrière un étroit bureau, une femme, tirée à quatre épingles, portant une blouse blanche immaculée, note les rendez-vous et répond au téléphone. C’est Stéphane (fabuleuse et radieuse Catherine Frot), la secrétaire dévouée et solitaire du docteur Julien Desforges (hilarant Michel Fau). Célibataire endurci, homme à femmes, il a trouvé le stratagème parfait pour éviter tout attachement à ses conquêtes. Il s’invente une vie de famille avec femme et enfants. La tentative de suicide de sa dernière amourette, la naïve et obstinée Antonia, va bouleverser sa mécanique bien huilée et l’obliger à s’enfoncer un peu plus dans le mensonge en emmenant son entourage professionnel dans son sillage…
Disons le tout net, Fleur de Cactus est l’archétype de la « pièce de boulevard ». En dignes héritiers de Feydeau, Pierre Barillet et Jean-Pierre Grédy ont écrit un pur vaudeville, drôle et décalé. Il fallait au moins le talent, la folie douce, la dérision et l’étrangeté de l’excellent Michel Fau pour mettre au goût du jour cette comédie où quiproquos, malentendus, portes qui claquent, répliques ciselées et bons mots se succèdent à un rythme effréné, emportant le public dans un tourbillon de rire qui ne s’arrête jamais. Gardant l’esprit « Sixties » de la pièce – l’orange et le vert servant de couleurs dominantes au décor et musique « yéyé » en fond sonore – , le comédien et metteur en scène a grossi le trait avec finesse et malice, esquissant ainsi un moment de pur bonheur. Son esprit burlesque et décalé redonne lustre et noblesse à ce genre trop souvent décrié.
Rien à jeter dans ce très bel hommage à l’âge d’or du théâtre de boulevard, et surtout pas la troupe, particulièrement savoureuse. Catherine Frot, comme toujours, est lumineuse. Elle incarne parfaitement cette secrétaire revêche, cette Fleur de cactus, ne demandant qu’à s’épanouir, sortir de sa chrysalide et vamper le public du théâtre Antoine. En sœur jumelle d’Isabelle Huppert dans Huit Femmes, elle est divine, extraordinaire.
Michel Fau est hallucinant en séducteur patenté. Il donne à son personnage une dimension « balourdement » sulfureuse des plus délectable. Mathilde Bisson, en « bimbo » aux faux airs de Bardot, est délicieuse. Elle s’amuse en surjouant les jouvencelles candides. Wallerrand Denormandie, en « beau gosse » niaiseux, nature et sans-gêne, est irrésistible. Quant à Marie-Hélène Lentini, en caricature de la bourgeoise oisive surbookée, elle excelle et fascine.
Des décors aux costumes, des musiques aux lumières, du jeu des comédiens à la mise en scène, Fleur de cactus est un véritable feu d’artifice de bonne humeur, délirant et magnifique. Porté par un duo superbe d’artistes, ce show psychédélique et euphorisant envoûte. C’est un voyage orbital sans retour dans le pays de l’humour et de la comédie… Un moment de grâce à savourer sans modération… Une séance de « muscu » inénarrable pour les zygomatiques… Un pur instant de bonheur… Jubilatoire !…
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Fleur de cactus de Barillet et Grédy
Théâtre Antoine
14 Boulevard de Strasbourg
75010 Paris
A partir du 25 septembre 2015
du mardi au samedi 21 h durée 2h00 environ
mise en scène de Michel Fau
Décor de Bernard Fau
avec Catherine Frot, Michel Fau,
Cyrille Eldin, Mathilde Bisson, Wallerand Denormandie, Marie-Hélène Lentini
Crédit photos © Marcel Hartmann