Dans un monde futuriste, David Lescot esquisse le portrait kaléidoscopique d’une femme d’aujourd’hui possédant le singulier pouvoir de voyager à travers sa propre histoire. A la frontière de tous les arts vivants, ce conte d’anticipation drôle autant que mélancolique offre à la flamboyante Ludmilla Dabo, un rôle à sa démesure.
Des ombres se dessinent dans la pénombre de la scène. On devine des tables, des chaises, une salle de restaurant. Quelques personnes sont attablées, statiques. La lumière jaillit éclairant le plateau blanc, immaculé. Tout s’anime. Les conversations vont bon train. Deux femmes au premier plan côté cour, se racontent leur vie. Enfin, l’une plus en retrait (épatante Marie Desgranges) écoute Georgia (éblouissante Ludmilla Dabo), sa pétulante amie s’extasier sur son bien-être. Son travail, ses enfants, son mari, tout est parfait. Zéro défaut.
Un tout petit coup de téléphone et la machine s’enraye. En quelques minutes, les catastrophes s’accumulent. Le monde merveilleux de la belle Georgia s’effondre. Exsangue, sonnée, elle confond le brumisateur de table avec une prise électrique. Court-circuit, noir, elle se retrouve projetée dans son passé, quelques minutes en arrière. Façon Un jour sans fin, film d’Harold Ramis, sa journée recommence toujours au même moment.
Avec poésie, David Lescot imagine la vie de cette femme moderne. Elle a tout, pourtant des fêlures du passé l’empêchent d’être totalement épanouie, des fantômes hantent sa trop belle prestance. Elle surjoue le bonheur. Par flashbacks impromptus, souvenirs trop bien enfouis, presque oubliés, il remonte le fil de son existence de manière totalement anachronique et, façon puzzle, en dessine les contours, les fissures. Joie et peine, amour et drame, tout s’entremêle emporté par la musique jouée en direct, par les chansons qui s’égrènent tout le long de cette fable féministe, de cette ode à la différence.
Jazz, pop, comptine ou triste litanie, les styles se superposent et donnent à l’ensemble une belle profondeur, une jolie densité. Le public rit, s’émeut, séduit par ce récit d’une vie. Il en redemande, il tape du pied. A l’unisson des comédien.ne.s, chanteur.se.s, danseur.se.s, tous formidables, de Jacques Verzier et sa voix de stentor à l’irradiante Ludmilla Dabo, en passant par le jeune Yannick Morzelle et la détonante Candice Bouchet, il entre dans la ronde, folle souvent, lancinante de temps en temps, mélancolique quelquefois.
Abordant autant l’homosexualité que l’écologie, la place des femmes que le fanatisme religieux, David Lescot signe une fable musicale fantastique. Un joli moment de grâce qui vaut tant pour les artistes qui se démènent sans compter sur scène que pour ce chant choral. Un spectacle vivant, vibrant !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Montpellier
Une femme se déplace de David Lescot
Création
Printemps des comédiens
Théâtre des 13 vents
Domaine de Grammont
Avenue Albert Einstein
34965 Montpellier
Durée 2h20 environ
Tournée
Le 20 et 21 septembre 2019 à La Filature – Scène nationale de Muhlouse
Le 3 et 4 décembre 2019 au Théâtre de Villefranche
Du 11 au 21 décembre 2019 au Théâtre des Abbesses – Théâtre de la Ville, Paris
Le 27 et 28 février 2020 au théâtre de Sète, scène nationale de Sète et du bassin de Thau
Texte, musique et mise en scène de David Lescot
Chorégraphie de Glysleïn Lefever
Avec 15 comédiens, danseurs.ses, chanteurs.ses, musiciens.nes : Candice Bouchet, Emma Liégeois, Elise Caron, Pauline Collin, Ludmilla Dabo, Matthias Girbig, Alix Kuentz, Yannick Morzelle, Antoine Sarrazin, Marie Desgranges, Jacques Verzier, Anthony Capelli, Fabien Moryoussef, Philippe Thibault, Ronan Yvon
Collaboration artistique de Linda Blanchet
Direction musicale de Anthony Capelli
Scénographie de Alwyne de Dardel
Lumière de Paul Beaureilles
Son de Alex Borgia
Costumes de Mariane Delayre
Crédits photos © Christophe Raynaud de Lage