Adaptant au théâtre le scénario du film réalisé par Jacques Rouffio et nommé au César du meilleur film en 1976, Anne Bourgeois et Francis Lombrail signent une pièce certes intéressante mais qui manque de souffle sur la longueur. Le jeu piquant quasi vicieux de Claude Aufaure, et l’interprétation ténébreuse, organique de Valentin de Carbonières, sauvent la mise sur le fil.
Dans une ville de province, après un long séjour à l’étranger, un chirurgien émérite et consciencieux, le docteur Losseray (Bruno Wolkovitch), s’installe avec sa charmante épouse (Julie Debazac). Préférant le bien-être de ses patients à la gloire, l’argent, il opère à l’hôpital public. Talentueux, respecté, professionnel et humain, il finit par faire de l’ombre à la clinique privée du clan Brézé. Le patriarche de cette famille de notable (Claude Aufaure) voit cela d’un très mauvais œil et décide d’employer les grands moyens pour arrêter l’hémorragie.
Dans cette guerre sans merci entre devoir et pouvoir, tous les coups sont permis. Au-delà du harcèlement subi par le couple Losseray, un drame vieux de dix ans refait surface, la mort étrange et mystérieuse d’un autre brillant chirurgien, l’épatant et flamboyant docteur Berg (Valentin de Carbonières). Des similitudes entre les deux vies font jour. Faux-semblants, hypocrisie et rumeurs sont des armes psychologiques sans faille. La machination est en marche, elle est implacable, diabolique. Rien ne semble pouvoir l’enrayer.
Inspiré de faits réels survenus à Reims entre 1952 et 1969, le scénario signé Georges cochon du film réalisé en 1975 par Jacques Rouffio, résonne étrangement dans l’actualité, suite au suicide d’un médecin à l’Hôpital Avicenne de Bobigny et révèle le malaise ressenti par le corps médical soumis à des contraintes de rentabilité qui rejaillissent forcément sur la qualité des soins. En s’emparant de cette tragédie humaine, Anne bourgeois et François Lombrail esquissent un thriller psychologique qui fait la part belle aux tensions. Toutefois, faute d’accentuer la dimension tragique du récit, de jouer sur les ambivalences des personnages, de rythmer les échanges, le spectacle, certes de bonne facture, n’arrive pas totalement à décoller, à saisir l’attention du spectateur.
Seuls Claude Aufaure, mielleux, pervers à souhait, Valentin de Carbonières, vibrant, cabotin, sombrement charnel, et Julie Debazac lumineuse sortent leur épingle du jeu. Si on ne peut rien reprocher aux autres comédiens, plutôt admirables, il manque à l’ensemble une dynamique, une profondeur, pour vraiment captiver. Dommage !
Par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Sept morts sur ordonnance d’après le scénario original de Georges Conchon du film réalisé par Jacques Rouffio
Théâtre Hébertot
78bis Boulevard des Batignolles
75017 Paris
A partir du 29 janvier 2019
Du mardi au samedi à 21h00 et en matinée le dimanche à 15h30
Durée 1h40
Adaptation théâtrale d’Anne Bourgeois et Francis Lombrail
Mise en scène Anne Bourgeois assistée de Betty Lemoine
Décors de Jean-Michel Adam
Lumières de Laurent Béal
Costumes Juliette Chanaud
Création sonore de François Peyrony
Avec Bruno Wolkowitch, Claude Aufaure, Valentin de Carbonnières, Jean-Philippe Puymartin, Julie Debazac, Francis Lombrail, Jean-Philippe Bêche & Bruno Paviot
Photos crédits © Photo Lot