Contraints par le monde extérieur, forcément hostile, affectés par le rapport aux autres, hantés par des fantômes du passé, par leurs propres angoisses, doutes, les corps des danseurs de Zampa se tordent, se débattent et se meuvent pour survivre et se reconstruire. De leur écriture singulière, captivante, hypnotique, le duo de chorégraphes Magali Milian et Romuald Luydlin invite à un voyage curieux, étrange et saisissant au cœur d’une humanité monstre autant inquiétante que bouleversante.
Sur une scène dépouillée, à peine effleurée d’un rayon de lumière tamisée, une silhouette accroupie se dessine. Frappant sur une douille géante en laiton, elle donne une cadence presque mécanique à l’espace qui l’entoure. Dans la pénombre, des jambes nues apparaissent. Leurs mouvements sont chaotiques, incontrôlés, comme si la femme à qui elles appartiennent, lutter contre des forces invisibles pour rester debout, droite. Au loin, des visages fermés, tour à tour, l’observent ou la jugent rendant sa gestuelle encore plus saccadée, plus désordonnée. Danse inquiétante, singulière, danse pour dépasser ses doutes ou le regard d’autrui, pour enfin reprendre les rênes de sa vie, chaque spectateur peut ainsi projeter ses propres angoisses et imaginer ce qu’il veut.
Comme prise de convulsion, l’artiste continue son étonnante transe. Rien ne semble l’interrompre, ni les variations sonores, ni les autres interprètes qui traversent lentement le plateau, indifférente à l’agitation qui règne autour. Dans un monde, qui ne semble guère accueillant, chacun des interprètes, en groupe ou seul, lutte pour ne pas sombrer, pour garder son identité, pour se fabriquer un avenir différent, plus radieux.
Calquant leurs mouvements sur les différentes rythmiques qu’impulse la musique jouée en direct, qu’elle soit rock, techno ou un lieder de Strauss susurré, les corps se meuvent, se cherchent, s’entraident parfois ou se repoussent. Mélangeant les genres, privilégiant une danse tribale, impétueuse qui refuse les contraintes, les contourne, Magali Milian et Romuald Luydlin imposent leur style intuitif, leur écriture curieuse autant qu’étonnante qui passe avec une virtuosité déconcertante de la douceur à l’âpreté, de l’onirisme à un réalisme cru, qui rappelle la dureté de la vie.
Loin d’être évidente, leur pièce chorégraphique est à la fois fluide et rugueuse. S’appuyant sur la personnalité de leurs danseurs, laissant la part belle à l’improvisation qu’ils re-cisèlent, re-sculptent pour qu’elle intègre leur univers, ils donnent à leurs tableaux successifs, une densité, une intensité qui font naître émotions et beauté d’un chaos originel.
Avec finesse, ingéniosité, les deux chorégraphes de La Zampa interrogent le monde qui les entoure et questionne le rapport aux autres ainsi que les inquiétudes de chacun face à la société. Scrutant les démons intérieurs qui rongent chaque être, ils signent un ballet étrange, unique qui touche et émeut. Un moment hors du temps, bouleversant, qui s’inscrit parfaitement dans les angoisses de notre époque.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – envoyé spécial à Brive-la-Gaillarde
Far West, une proposition de Magali Milian et Romuald Luydlin
Montpellier danse 2018
L’empreinte – Scène nationale Brive – Tulle
Théâtre de Brive
Place Aristide Briand
19100 Brive la Gaillarde
Durée 1h00
en tournée
Théâtre de L’Archipel, scène nationale de Perpignan
Le 3 décembre 2019
Chorégraphie de Magali Milian et Romuald Luydlin
Avec Benjamin Chaval, Sophie Lequenne, Romuald Luydlin, Corine Milian, Magali Milian, Manusound, Marc Sens, Anna Vanneau
Musique originale de Benjamin Chaval, Valérie Leroux, Manusound et Marc Sens
Création lumières : Laurent Bénard
Création et régie son : Valérie Leroux
Régie générale : Denis Rateau
Création costumes : Lucie Patarozzi
Dramaturgie : Marie Reverdy
Regard extérieur : Marion Muzac
Production : La Zampa.
Coproduction : Festival Montpellier Danse 2018, La Place de la Danse – CDCN Toulouse Occitanie, Charleroi Danse, Théâtre Molière Sète – Scène nationale archipel de Thau, Théâtre de Nîmes.
Crédit photo © Alain Scherer