Statue prenant vie par l’amour de son sculpteur, Galatée livre ses ressentis, ses sensations d’objet de désir dans cette version poétique, revisitée par le jeune Gaël Kamilindi. Jouant sur les préjugés, sur les genres, sur la beauté des mots, il signe un moment délicat, éphémère, que soulignent la voix envoûtante de Louis Arène, son jeu habité ainsi que la musique évanescente de Claudius Pan.
Dans le cadre des (re)lectures initiées par la péniche POP, qui propose chaque dimanche d’octobre à des artistes de tous horizons de s’emparer d’un texte classique, en l’occurrence pour cette année 2018 des Métamorphoses d’Ovide, Gaël Kamilindi, pensionnaire de la Comédie Française, s’est attaqué au mythe de Pygmalion et de Galatée, de l’amour incandescent, de la fidélité au delà des tentations, de la passion d’un homme pour une créature d’ivoire qu’il a modelée à l’image de ses envies, de ses fantasmes.
Se détachant avec tendresse de l’œuvre originelle du poète grec, le jeune comédien réécrit l’histoire, de sa plume vive, poétique. Plongeant dans les pensées de cette statue au grain de peau marmoréen, à la plastique parfaite, irréprochable, travaillée avec sensualité charnelle par son sculpteur, il livre un récit puissant, onirique à l’intensité troublante. Dépassant les genres, il fait de Galatée, un être que l’on peut qualifier d’hermaphtodite, un homme à sensibilité toute féminine. Bousculant les convenances, les consciences, il rappelle avec une délicatesse infinie que l’homme est une femme comme les autres et inversement, que chacun mêle au plus profond de son cœur, des âmes, un peu des deux sexes.
Pygmalion des temps Modernes, Gaël Kamilindi a trouvé son Galatée en Louis Arene, éphèbe spectral, déroutant autant que bouleversant. Alors que sa voix, un brin rauque, envahit l’espace surchauffé et électrise les sens, l’ange blond couvert d’argile blanche apparaît dans un halo de lumières. Hypnotisant les spectateurs par sa gestuelle mécanique, saccadée, le comédien livre ici une performance terriblement organique. Offrant son corps sans retenue à cet être inanimé, il donne chair à l’une des figures les plus emblématiques de la mythologie grecque. Et lentement, prend vie sous les yeux ébahis du public, conquis.
Si la pièce est courte, assez simple dans sa forme, elle a été parfaitement ciselée par Gaël Kamilindi, qui, s’appuyant sur un jeu savant de clairs-obscurs, la musique techno pop, un brin transcendantale de Claudius Pan, et la présence irradiante de Louis Arène, signe une hommage saisissant à l’un des récits les plus allégoriques de l’histoire des arts.
Par Olivier Fregaville-Gratian d’Amore
Pygmalion et Galatée par Gaël Kamilindi de la Comédie-Française
Automne 3#
La Pop
61 Quai de la Seine
75019 Paris
Durée 30 min
mise en scène de Gaël Kamilindi
Avec Louis Arene
Musique de Claudius Pan