Yeux verts magnétiques, voix de velours, Laurent Ban est un charmeur, un envoûteur. Malgré sa musculature imposante, sa silhouette massive, il dégage une douceur, une sérénité qui séduisent et touchent au cœur. Avant la dernière de Priscilla, Folle du désert au casino de Paris, il nous a convié à prendre un café à deux pas du théâtre pour revenir sur son parcours, ses envies, ses projets. Rencontre.
La quarantaine florissante, le visage allègre à peine marqué de quelques rides, lui donnant, ce on ne sait pas quoi d’intense et de mystérieux, Laurent Bán a tout du comédien-chanteur épanoui. Alors qu’il triomphe pour la deuxième année consécutive au Casino de Paris, ce Lorrain d’origine hongroise s’apprête à s’envoler dans les prochains mois pour une longue tournée en Asie, où ses albums font un carton.
L’art dans tous ces états
Heureux quand il arpente les scènes, cet enfant de Briey en Meurthe-et-Moselle a très jeune été attiré par le milieu artistique. Avec son jeune frère, David Ban, lui aussi connu pour ses rôles dans différentes comédies musicales qui ont fait les beaux jours des théâtres parisiens, il regardait, enfant, dessiner, peindre leur père. Très vite, ils ont pris goût à cet art. Encore aujourd’hui, l’un comme l’autre, continue à croquer, d’un coup de crayon assuré, des instants de vie. « Depuis que je suis petit, raconte-t-il, j’ai toujours eu envie d’être graphiste. Ce métier m’intéressait, car il alliait à la fois une part de créativité et une part de technicité, de précision. J’ai donc planifié après le bac d’intégré la faculté d’Arts plastiques de Strasbourg pour finalement choisir d’entrer aux Beaux-Arts de Nancy. En parallèle, je me suis aussi inscrit au conservatoire de la ville. Il faut dire qu’en terminale , pendant que je passais mon bac, je préparais en parallèle, une exposition de peinture, ainsi que le spectacle de fin d’année, une comédie musicale qui reprenait les standards de Starmania. Ça a été une vraie révélation. Je n’avais jamais chanté en public et j’ai été repéré par le manager d’un groupe de variétés sur le « SOS d’un terrien en détresse ». Il cherchait quelqu’un pour rejoindre l’aventure. J’ai dit oui. »
Jeu et musique
Grisé par ses premiers pas sur scène, le jeune homme décide de persévérer dans cette voie. Se perfectionnant pendant 3 ans au Conservatoire, ainsi que dans des stages d’acting à Paris, il continue son petit bonhomme de chemin. « En parallèle, explique-t-il, j’ai continué la musique au sein de groupes de rock. On se produisait sur différentes scènes de la région et en Allemagne, ce qui me permettait de gagner ma vie, de subvenir à mes besoins. Rapidement, j’ai pris goût aux deux disciplines. » En 1997, Laurent Bán intègre avec son frère David, la compagnie Amnesia, composée de comédiens et de musiciens. Ces derniers tentent de monter la comédie musicale hippie Hair. Malheureusement, ils n’en obtiennent pas les droits. Qu’à cela ne tienne, ils créent leur propre spectacle, un opéra rock, Les Écus de Sobieski. « Le spectacle a eu un beau succès, se souvient-il. On a joué quinze jours. Ce qui était impressionnant, c’était l’engouement, l’envie du public pour ce type théâtral. C’était très formateur. J’ai composé au piano la quasi totalité des trente-cinq chansons. Je me suis découvert une certaine habilité à créer des mélodies accrocheuses et à trouver des harmonies musicales complexes. J’ai aussi participé à la création des costumes et du décor. Du coup, je me suis rendu compte que je pouvais mêler en même temps chant, danse, jeu et graphisme. J’avais définitivement trouvé ce que je voulais faire : offrir La multiplicité des arts dans une forme unique d’expression, le spectacle musical. »
Premiers contrats
La même année, Alfredo Arias cherche, à travers la France, des comédiens-chanteurs parlant italien, pour sa nouvelle création Les peines de cœur d’une chatte française. « Par le plus grand des hasards, se remémore le charismatique crooner, je suis tombé sur l’annonce de casting. J’ai passé les auditions, j’ai été pris. La première officielle a eu lieu en décembre 1999 à la MC93 dans le cadre du festival d’Automne. Nous nous sommes ensuite envolés pour l’Italie, où le spectacle, auréolé de deux Molières en 2000 celui du théâtre musical et celui des costumes, a tourné deux ans entre les deux pays, et dans les deux langues. »Pour le jeune chanteur, c’est le début des choses sérieuses. Perfectionnant son italien, il s’ouvre les portes des productions transalpines, où sa voix particulièrement adaptée au bel canto fait des merveilles. Rentré en France en 2001, il rejoint l’équipe de Hair à l’auditorium Saint-Germain, où il croise beaucoup de ses futurs collègues qu’il recroisera sur et hors scène dans les années qui suivront. « À partir de ce moment, explique-t-il espiègle, tout s’est enchaîné très vite. Le style comédie musicale à la française était en pleine effervescence. Les rôles se sont succédés à un rythme effréné. C’est la période où j’ai rencontré notamment Fabian Richard et bien d’autres qui sont devenus au fil du temps des incontournables de ce type de spectacle où chant, jeu et danse se mêlent. » Un crochet par Mogador, où il reprend le rôle de Gringoire dans Notre Dame de Paris de Luc Plamondon, avant de se glisser dans les habits de Phoébus, et ce seront les prémices d’une future histoire d’amour passionnelle avec l’Asie.
Une carrière entre Europe et Asie
À partir de l’année 2002, Laurent Bàn partage son temps entre les scènes parisiennes, italiennes et asiatiques. Contacté par Richard Cocciante, il endosse le rôle du Vaniteux et de l’Aviateur au Casino de Paris dans une version musicale du Petit Prince. La même année, il fait ses débuts au cinéma aux côtés de Richard Anconina, Sonia Lacen, Ginie Line et Maxim Nucci dans le film de Frédéric Berthe, Alive. En 2004, Hervé Devolder lui propose de rejoindre la troupe de Chance !, une comédie musicale de bureau. Véritable succès critique et public, la pièce est toujours à l’affiche. Elle s’est d’ailleurs installée pour l’été au théâtre de la Bruyère. « Je n’ai pas hésité une seconde, se souvient-il ému. C’est un petit bijou. C’est drôle et très formateur. Un véritable exercice de style, d’une simplicité hallucinante, nos voix sont juste accompagnées d’un piano et d’une guitare. Cette troupe était l’occasion de retrouver de nombreux amis. J’y ai retrouvé Fabian Richard, mais aussi Franck Vincent et Stéphanie Cailhol, Julie WIngens, Julie Victor, Leovanie Raud, Hervé Lewandovski et de nombreux autres…» En 2005, Laurent Bàn s’envole pour Londres. Installé au Palace Theatrer, il double sous la direction d’Andrew Lloyd Webber, le rôle-titre du Fantôme de l’Opéra, que Joël Schumacher vient de réaliser. « À cette période, raconte-t-il. J’ai recommencé à tourner avec Notre Dame de Paris, mais cette fois en Asie. Durant trois ans, de 2005 à 2007, nous avons rempli des salles entières. C’était du délire. Plus une place de disponible. Je n’avais jamais vu une telle folie. Le public était déchaîné. Il criait, hurlait. Sur Scène, on ne s’entendait presque plus. C’était grisant. D’autant que là-bas, une fois que le public est conquis, il demeure très fidèle aux artistes. C’est ce qui m’a permis de sortir dans la foulée mes propres albums, ANTE, ANTEPRIMA, PRIMA et depuis peu GIVE ME A KISS qui devinrent de grands succés inattendus.. Ainsi, je retourne souvent en Chine, à Taïwan, au Japon ou en Corée du Sud pour me produire en Concerts. C’est une belle opportunité pour un artiste Français parti à l’autre bout du monde. » Retour à Paris, direction le Trianon, où l’attend une nouvelle version de Hair, mise en scène par Ned Grujic. Un an plus tard, aux Folies bergère, il endosse le costume du célèbre vengeur masqué, Zorro, dans une version musicale très Gipsy, produit par Stage Entertainment. En même temps, il rejoint son frère David au casting de la série télévisée Chante, où il interprète au cours de la saison 3 et 4, le chorégraphe des chanteuses et danseuses Priscilla et Joy Esther. En Italie, le chanteur continue son parcours tranquillement. En 2008, il joue Gerard de Villefort dans Il Conte di Montecristo : The Musical de Francesco Marchetti et Robert Steiner, mis en scène par Gino Landi. Mais c’est en 2013 qu’il atteint à Florence, la consécration un incarnant Hamlet dans Amleto, Dramma Musicale de Daniele Martini. Le spectacle sera d’ailleurs repris l’année suivante à l’Espace Cardin à Paris.
Le temps de l’écriture
Après le succès rencontré en Asie par son premier album Ante, Laurent Bàn se consacre à ses propres projets. « J’avais envie d’autres choses, raconte-t-il, de passer de l’autre côté, de reprendre mes premiers amours liées à la création et d’écrire un spectacle. Après réflexion, je me suis attaqué à la vie de Marlène Dietrich avec MARLENE D. dont j’avais confié le rôle-titre à Riccardo Castagnari dans le rôle titre. La pièce a eu un joli succès au Lucernaire et au Vingtième théâtre et a même obtenu Le Marius de la meilleure adaptation, l’ancêtre des trophées de la Comédie musicale. Puis avec Chiaria di Bari, nous avons travaillé sur une adaptation du Journal d’Adam et Ève, qui était émaillée de 8 à 9 morceaux musicaux que j’ai composés, aux cotés d’Hervé Devolder, Dider Begon et Stephane Corbin, mais qui est toujours pour l’instant à l’état de projet, faute de temps…» Dés lors, galvanisé par l’engouement rencontré par ses chansons en Asie, ainsi qu’en Russie, Laurent prépare son deuxième album PRIMA. Pour des raisons personnelles, Laurent s’exile à Strasbourg, il s’essaye au métier de meneur de revue au flamboyant Royal Palace de Kirrwiller. « J’ai découvert, raconte-t-il émerveillé, un monde que je ne connaissais pas, un esprit de troupe très différent de celui des comédies musicales. J’ai pris un grand plaisir à cela. Je me suis amusé et c’est le plus important, même si la période était très compliqué d’un point de vue personnel. »
Retour sur les planches parisiennes
En 2015, Guillaume Beaujolais lui écrit un rôle sur mesure, celui du Génie dans la comédie musicale Aladin, faites un vœu ! de Marie-Jo Zarb, mis en scène par David Rozen. C’est le retour à Paris, le début d’une renaissance pour le chanteur-comédien. « Je me suis totalement lâché, se souvient-il. C’était incroyable d’être dans un costume créé totalement sur mesure. Les mêmes jours, je reprenais au Théâtre le Comédia le rôle de Harry Pilcer aux côtés de Maria Carmen Vega dans Mistinguett’, reine des années folles. Je jouais Aladin l’apres midi et je jouais le soir Mistinguett dans le même théatre sans quitter ma loge. Quelques moi plus tard, je suis reparti en Asie, lorsque Nicolas Talar m’a appelé pour reprendre le rôle de Salieri dans Mozart l’opéra rock. J’ai donc repris le rythme effrénées des tournées en France et à l’étranger, les concerts en Asie. C’est à ce moment précis qu’on m’a contacté pour l’audition de Priscilla, folle du désert. J’ai foncé. »
Dick/Mitzi, un rôle en or
L’affiche est alléchante, le film culte. Alors sans hésiter, Laurent Bàn tente sa chance pour le rôle de Dick/Mitzi, une drag queen qui embarque ses deux meilleurs amis dans un road trip à travers le désert australien. « C’est un personnage tourmenté et troublant, raconte-t-il. Il est marié et a un fils mais il garde ce secret auprès de ses comparses. Il me semblait important de ne pas tomber dans la caricature. Oui, il faut de l’extravagance, mais il faut avant tout rester dans une totale sincérité. Gay ?hétéro ? l’ambiguïté demerure centrale dans l’interprétation du personnage. C’est passionnant à jouer. Je suis très ému lorsqu’après le spectacle, des gens viennent me dire que je ne suis absolument pas crédible en hétéro. C’est la meilleure critique qu’on puisse me faire, ça veut dire que J’ai gagné mon pari et que je les ai convaincu . On s’investit tous dans ce spectacle. Et je crois que si le public est touché à ce point, c’est que la complicité qu’on a su créer avec David (Alexis) et Jimmy (Bourcereau) explose sur scène. C’est un des rôles les plus complexes et subtils que j’ai pu interpréter. »
Propos recueillis par Olivier Fregaville-Gratian d’Amore
Crédit photos © Klaus Roethlisberger, © DR, © Franck Harscouët, © Pascal Ito