Ça fanfaronne, ça défouraille, ça brette à tout-va que ce soit avec une épée ou une langue acérée. S’emparant des souvenirs de son comédien François Rostain, maître d’armes et chorégraphe de combat, Laurent Maurel signe une pièce touchante qui alterne entre cours magistral et règlement de comptes familiaux. Une histoire de vie avec ses hauts et ses bas.
Derrière la rambarde de l’escalier qui mène aux loges, une tête émerge, souriante, goguenarde. Cheveux blancs, yeux bleus, corps plein de fougue, de vigueur, Isaak (épatant François Rostain) saute, virevolte, cabotine. Après une rapide introduction sur son ancien métier, le duelliste, le maître d’armes, le professeur, invite à une plongée dans l’histoire de l’escrime. De sa faconde fort prolixe, il conte la vie des épées célèbres, d’Excalibur à Durandal, des grands bretteurs de Jarnac et sa fameuse botte à mademoiselle de Maupin, actrice en vue au XVIIe siècle et fine lame.
Parfois, une ombre passe sur son visage, il semble d’un coup perdu. L’arrivée très en retard de son élève Roxane (rageuse Anna Rostain) va le perturber encore plus et brouiller sa mémoire quelque peu défaillante. Derrière la hargne, se dessine en filigrane le récit d’une vie, d’une famille. À coup de fleuret moucheté, de touches et d’estocades, les relations tumultueuses entre un père, un peu trop épris de son art, et une fille, cherchant à capter la moindre de ses attentions, le plus petit signe de tendresse, se révèlent dans les non-dits, les creux de ce spectacle-conférence qui s’élabore sous nos yeux.
Entremêlant réalité et fiction, souvenirs et aventures romanesques, Laurent Maurel rend un bel hommage à son comédien en lui offrant la possibilité de parler de ce monde étrange mal connu qu’est celui de l’escrime. Avec espièglerie, il écrit au fil de la pointe d’une épée le récit d’une vie, d’une passion dévorante, et invite par une mise en scène plutôt enlevée à une balade au cœur du temps qui se délite, d’un lien familial qui se construit tant bien que mal.
Porté par le charismatique et intense François Rostain, ce maître d’armes a tout pour séduire les amoureux des films de cape et d’épée. Toutefois, le spectacle mériterait d’être resserré légèrement, épuré de quelques effets de style un brin trop appuyés pour emporter tout à fait.
Par Olivier Fregaville-Gratian d’Amore
Le maître d’armes de Laurent Maurel
Studio Hébertot
78bis Boulevard des Batignolles
75017 Paris
jusqu’au 26 juin 2018
tous les mardis à 19h
durée 1h15
mise en scène de Laurent Maurel
Avec Anna Rostain et François Rostain