Dans un espace tri-frontal, tout commence dans la pénombre. Une forme indéfinie, presque minérale, respire à peine. Des tissus gris s’animent au rythme sourd de chants traditionnels lointains, tout juste audibles, comme filtrés par le temps. La figure totémique s’accroupit, se redresse. Puis, vient Dalila Belaza. À tous petits pas, quasi imperceptibles, elle entre en scène, prend place au centre, remplace l’icône. Le geste est discret, mais puissant. Elle devient le cœur battant du plateau.
Seule, dans un silence qui semble écouter le monde, elle sculpte l’espace. Sa danse est lente, hypnotique, traversée d’ondes profondes. Elle avance par vibrations, par échos. Les mouvements paraissent surgir d’une mémoire ancienne, d’un chant intérieur. On y devine des motifs, des réminiscences de danses traditionnelles du Maghreb, d’Afrique subsaharienne, d’Asie aussi – mais sans citation, sans appesantir. Elle ne reproduit pas, mais fait jaillir. Elle ne convoque pas un folklore, elle en rêve de nouveaux, sans territoire assigné, ouverts à la transe, à l’élévation.
Ce qui frappe, c’est l’économie. Chaque geste compte, chaque silence pèse. Rien n’est démonstratif. Tout est écoute. La lumière, conçue comme un souffle, épouse les mouvements, découpe les plans. Les respirations se font longues, presque suspendues. On ne regarde plus : on veille.
Avec cette version performative de Figures, Dalila Belaza poursuit un travail d’épure entamé depuis plusieurs années, en dialogue implicite avec sa sœur Nacera, avec la tradition soufie, avec l’invisible. Elle invente une danse qui n’est ni sacrée, ni profane, mais située dans un entre-deux. Un seuil.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Figures (version performative) de Dalila Belaza
MAIF Social Club
Rue de Turenne
75004 Paris
du 17 au 19 avril 2025
durée 35 min environ
Conception, direction artistique, chorégraphie, son et lumière – Dalila Belaza
Création personnage matière – Jeanne Vicérial
