Makbeth du Munstrum théâtre © Jean-Louis Fernandez
© Jean-Louis Fernandez

Makbeth : Le Munstrum voit gore 

Pour leur nouvelle création, Louis Arene et Lionel Lingelser s’attaquent à l’œuvre maudite de Shakespeare, l’embarquent dans leur univers fantasmagorique et en livrent une adaptation survoltée, généreuse autant qu'excessive.

La guerre. Le fracas. La violence des combats. Le sang qui gicle et les membres qui volent. En plongeant le spectateur dans le cœur saignant des tranchées et au plus près des obus qui éclatent et des épées qui tranchent dans le vif, le Munstrum Théâtre ne laisse pas le temps de respirer. La reconstitution d’un conflit armé, où se succèdent à un rythme effréné chevaliers en armure, fantassins au fusil pesant et bidasses, grenades à la main, est à couper le souffle. Et c’est d’autant plus sidérant qu’ils n’utilisent que peu de technologie. L’artisanat et les effets scéniques suffisent à faire illusion et c’est grandiose.

Makbeth du Munstrum théâtre © Jean-Louis Fernandez
© Jean-Louis Fernandez

Leur style, leur patte, sont reconnaissables dès les premières minutes. Ils ne dérogent jamais à leur ligne artistique. Et comme toujours, Louis Arene et Lionel Lingelser réussissent des prodiges, habitent la scène en grand et entraînent le public bien au-delà des murs. En s’attaquant à Macbeth de Shakespeare, le duo d’artistes tente, à leur manière démesurée, baroque et pop-rock, de dire les grondements, les tourments de notre époque.

Bien plus qu’un choix, c’est une évidence. Revisiter le chef-d’œuvre maudit du dramaturge s’impose, tant il semble préfigurer – non comme une prophétie, mais comme une redite – un monde en totale perdition.

De Macbeth, dont le C s’est mué en K, Lucas Samain en collaboration avec Louis Arene, a conservé surtout les grandes lignes, la trame, quitte à ce que le fil du récit s’égare parfois dans les ellipses et dans une réécriture qui résonne au temps présent. Le capitaine Macbeth rêve en grand. Un oracle, corps noir surgissant du sol, lui prédit la couronne. Ambitieux, il la désire. Sa femme, tout aussi intrigante et arriviste, l’encourage. Puisque le pouvoir lui est promis, autant en accélérer le cours. Il tue son souverain et massacre tous ses opposants. Il règne en tyran, rongé par une soif de pouvoir qui gangrène son âme. La folie guette le couple. La fin tragique est inéluctable. Ce sera un bain de sang.

La matière du drame shakespearien est du pain béni pour le Munstrum. Tous les éléments du fantastique qu’il chérit, et dans lesquels le duo de fondateurs excelle, sont réunis. Ils n’ont qu’à en dérouler les fils pour en faire une fresque opératique où s’enchaînent des tableaux, tous d’une beauté noire, sépulcrale et baroque. Sans forcer son imaginaire, le public est embarqué sur les landes sauvages de l’Écosse médiévale. Et c’est d’autant plus fascinant que cet univers d’héroic fantasy, Louis Arene et son collaborateur à la technique, Valentin Paul, le créent en détournant des objets du quotidien : une tringle à rideau devient sceptre, une chaise d’arbitre de tennis fait office de trône, etc.

Makbeth du Munstrum théâtre © Jean-Louis Fernandez
© Jean-Louis Fernandez

La grande force de ce spectacle foutraque, au-delà de sa forme très visuelle et sensorielle, c’est la troupe. Comédiens, comédiennes et circassiens transforment le plateau en terrain de jeu, qu’ils habitent avec ampleur et générosité. Louis Arene, en Macbeth démiurge, est époustouflant. Face à lui, Lionel Lingelser campe une Lady Macbeth follement démentielle. Delphine Cottu, Sophie BotteOlivia DalricAnthony Martine et François Praud, dans une joyeuse confusion des genres, s’amusent et brûlent les planches, noyés dans des flots de sang. En fou du roi, Erwan Tarlet est démentiel. Drôle à souhait, il donne à ce personnage fil rouge une belle dimension surréaliste.

La mise en scène de Louis Arene est léchée, les idées fusent à la seconde. C’est peut-être dans ce trop-plein encore en expérimentation que Makbeth cherche encore un rythme. Tout est là, on le sent. Il ne manque pas grand-chose pour être totalement embarqué dans ce délirant tourbillon. Le vertige n’est pas loin. Il est palpable. Encore quelques tours de boulons, quelques resserrages ici et là, et la dernière création du Munstrum devrait, une fois encore, tout emporter sur son passage. Uniques et brillants, ils le sont. C’est une flagrante certitude ! 


Makbeth d’après William Shakespeare
Création le 26 février 2025 à Chateauvallon-Liberté, Scène nationale
Durée 2h15 environ

Tournée
10 au 18 avril 2025 aux Célestins, Théâtre de la Ville de Lyon
29 avril au 15 mai 2025 au Théâtre Public de Montreuil – CDN
22 et 23 mai 2025 à La Filature, scène nationale de Mulhouse
10 au 13 juin 2025 au Théâtre du Nord, CDN de Lille
5 au 7 novembre 2025 au Théâtre 71 – scène nationale de Malakoff
12 au 14 novembre 2025 au Théâtre Varia, Bruxelles
20 novembre au 13 décembre 2025 au Théâtre du Rond-Point – Paris
5 et 6 mars 2026 au Carreau – Scène nationale de Forbach et de l’Est mosellan
11 et 12 mars 2026 à la MC2: Grenoble
27 au 28 mars 2026 au Domaine d’Ô – Montpellier

Dates passées 
12 & 13 mars 2025 – Les Quinconces, Scène nationale du Mans
25 au 27 mars 2025 – Théâtre Dijon Bourgogne, CDN de Dijon
2 et 3 avril 2025 – La Comédie, CDN de Reims


mise en scène de Louis Arene assisté de Maëliss Le Bricon
une création du Munstrum Théâtre

conception de Louis Arene & Lionel Lingelser
traduction / adaptation de Lucas Samain en collaboration avec Louis Arene
avec Louis Arene, Sophie Botte, Delphine Cottu, Olivia Dalric, Lionel Lingelser, Anthony Martine, François Praud, Erwan Tarlet

dramaturgie de Kevin Keiss
collaboration à la mise en scène – Alexandre Ethève
scénographie de Mathilde Coudière Kayadjanian, Adèle Hamelin, Valentin Paul & Louis Arene
création lumière de Jérémie Papin & Victor Arancio
musique originale & création sonore de Jean Thévenin & Ludovic Enderlen

costumes de Colombe Lauriot Prévost assistée de Thelma Di MarcoBourgeon & Florian Emma
masques de Louis Arene
coiffes de Véronique Soulier Nguyen

chorégraphie de Yotam Peled

La toile Le ciel orangé a été créée par Christian Fenouillat pour La Trilogie de la Villégiature mis en scène par Claudia Stavisky.

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