Avec pour prothèses des béquilles et du caoutchouc, rafistolées à grands bouts de scotch, la silhouette de quatre centaures se dessine. Tout le paradoxe réside en la fragilité de ces carcasses bricolées et le puissant transhumanisme qu’elles permettent d’incarner. Qu’y a-t-il après la danse ? Qu’y a-t-il après le corps ?
Tout en paradoxes

À l’image d’un doomscroll (le fait de laisser défiler son fil d’actualité jusqu’à un état de sidération) devenu spectacle, Mercedes Dassy construit un espace liminaire plein de glitchs et de références pop micro dosées. Un art du détournement, de la distorsion, de la démesure trouve en miroir un souci du détail, des tableaux entiers consacrés à l’attente.
Les temps morts offrent un espace de respiration bienvenu après des parties parfois très intenses. Dans cette chambre à échos, on distille pourtant vite les motifs qui, par la répétition, l’exagération et le collectif, guideront le tableau suivant. Ruuptuur concilie ennui et surstimulation, technicité et lâcher-prise, entraide et compétition. Ces armatures bricolées y sont aussi bien une contrainte qu’un moteur.
La beauté du faux
Ces créatures chimériques se (dé)construisent sous nos yeux, les changements de lumière sont commandés depuis la scène, les effets perdent toute magie par leur mise en place. Loin d’un travail propret où la danse apparaît davantage comme un exercice qu’il s’agit de maîtriser, la partition de Mercedes Dassy embrasse les complexités du réel. La chorégraphe place ses interprètes sur une crête, il semble qu’à tout moment, il leur est possible de chuter. En assumant cette dimension très frontale, portée par une rare complicité, l’artiste belge ménage un espace pour d’heureux accidents.
En convoquant en plateau une théâtralité qui ne dit pas son nom, un jeu plus enfantin que dramatique et en mettant en scène une rare complicité entre les interprètes, la performeuse et chorégraphe bruxelloise laisse entrevoir une nouvelle façon d’envisager la danse.
Mathis Grosos
Ruuptuur de Mercedes Dassy
création le 13 janvier 2022 à l’Atelier 210 à Bruxelles
Tournée
13 juin 2025 au 140, Bruxelles
Dates passées
2 et 3 avril au TU de Nantes
28 et 29 janvier 2025 au Théâtre de l’Aire libre, Saint-Jacques-de-la-Lande
Chorégraphie de Mercedes Dassy
Collaboration et interprétation – Kanessa Aguilar Rodriguez, Kim Ceysens, Justine Theizen, Mercedes Dassy
Dramaturgie et conseil artistique – Sabine Cmelniski
Création costumes de Justine Denos, Création sonore de Clément Braive et Création lumière de Caroline Mathieu
Collaboration dramaturgique – Maria Kakkogianni
Regard extérieur – Judith Williquet