Dans le jardin de l’ogre, d’après le roman éponyme de Leila Slimani, mise en scène de Xavier Deranlot
© Louie Salto

Dans le jardin de l’ogre : Un tango conjugal vénéneux

Présentée à La Scala-Paris, cette adaptation glaciale du roman de Leïla Slimani dresse le portrait grinçant mais quelque peu convenu d’une femme malheureuse en ménage.

Elle est seule, éclairée par un néon coloré, esquissant quelques pas de danse dans sa robe de soirée en satin, perchée sur des talons aiguilles. It feels so good, clame la chanson. Et puis, d’un coup, les mots viennent contredire les images : Adèle Robinson (la talentueuse Anne-Élodie Sorlin, ancienne des Chiens de Navarre et dont on avait découvert Jamais labour n’est trop profond en 2021), épouse d’un chirurgien, égrène avec précision les multiples entorses qu’elle inflige régulièrement à son contrat de mariage.

Dans le jardin de l’ogre © Louie Salto
© Louie Salto

Complètement accro au sexe, la mère de famille imaginée par Leïla Slimani en 2014 enchaîne les aventures extraconjugales, sans doute pour fuir un quotidien bourgeois dans lequel elle ne se reconnaît pas — et encore moins s’épanouit. Face au public, Adèle, inquiétante à souhait, détaille chaque épisode sexuel avec une froideur troublante, toujours à la lisière du rire et des larmes. Un conseiller de l’ambassade de France à Bamako qu’elle a « sucé dans les toilettes », une liaison avec le collègue de son mari, une autre avec le compagnon de sa meilleure amie…

Anne Élodie Sorlin excelle dans le rôle de cette femme en perdition, dont certains mots laissent entrevoir l’ampleur de la détresse : « [La naissance de] cet enfant allait mettre fin à ma fuite en avant, dit-elle. J’en suis sortie ronde, molle, vieille. »
Si la mise en scène parvient, notamment dans la première partie, à dresser un portrait acide d’une famille nucléaire — blanche, bourgeoise, a priori idéale — elle s’essouffle dans la seconde. La litanie des confessions d’Adèle, tout comme le rythme du spectacle, devient de plus en plus monotone, même avec l’arrivée sur scène de Richard, le fameux mari chirurgien.

En voulant trop coller au roman, la pièce mise en scène par Xavier Deranlot perd peu à peu en tranchant. Elle s’achève sur un tango ambigu, qui vient paradoxalement annuler l’incroyable charge vénéneuse des débuts.


Dans le jardin de l’ogre d’après le roman éponyme de Leïla Slimani
La Scala Paris
13 bd de Strasbourg

75010 Paris
Du 10 avril au 28 juin 2025
Durée 1h10

Adaptation de Xavier Deranlot & Jean-Luc Vincent 
Mise en scène de Xavier Deranlot
avec Anne-Élodie Sorlin et Xavier Deranlot  et les voix de Cédric Moreau, Zakary Bairy, Marie Bénédicte Cazeneuve, Hakim Romatif, Alexandra Chouraqui, Caroline Binder, Helene Foin Coffe, Deborah Gral, Lou Tomasino, Arthur Drié, Ophélie Audon, Maureen Park, Ernest Humes
Assistante de mise en scène – Irina Solano
Création lumière d’Alexis Beyer
Création sonore de Xavier Thibault

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