Et j’en suis là de mes rêveries d’après le roman Rabalaïre d’Alain Guiraudie, mise en scène de Maurin Ollès © Erwan Dean
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Et j’en suis là de mes rêveries : Une fantaisie rurale et occitane

Après s’être intéressés aux savoureux échanges entre Michel Foucault et un jeune auto-stoppeur, Maurin Ollès et Pierre Maillet adaptent Rabalaïre d’Alain Guiraudie.

À bicyclette, Jacques (Pierre Maillet), un chômeur velléitaire d’une quarantaine d’années, sillonne les routes montagneuses autour de sa bourgade occitane. L’accent chantant du sud aux lèvres, il traîne ses guêtres dans les forêts, les campagnes, et dans un petit café charmant. Son look de cycliste du dimanche et son air débonnaire lui ouvrent les portes du bistrot et le cœur de ses habitués.

Et j’en suis là de mes rêveries d’après le roman Rabalaïre d’Alain Guiraudie, mise en scène de Maurin Ollès © Erwan Dean
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Ami, amant, il séduit sans effort. Même le curé n’est pas insensible à cet homme singulier et passe-partout. Sa force : être un quidam comme les autres. Mais dans le monde fantasque d’Alain Guiraudie, rien n’est jamais tout à fait simple. La mort du cuisinier de l’estaminet et la manière dont ses proches l’intègre à leur deuil le fit ainsi vaciller dans une autre dimension. Incapable de faire des choix, se laissant porter par le flux banal du quotidien, Jacques est en permanence tiraillé entre les convenances sociales et les pensées sexuelles qui le traversent.

Corps à corps fantasmés, virtuels ou charnels, embardées folles et absurdes, : le roman d’Alain Guiraudie, avec sa plume imagée, picaresque et méridionale, prend vie sur le plateau. Dans un décor épuré — une table, quelques tabourets, une maquette de bistrot et une cloison amovible — Maurin Ollès s’empare du pavé de mille pages et cherche, par une mise en scène sobre et burlesque, à en conserver la belle authenticité rurale.

Avec son comparse Pierre Maillet, il s’en donne à cœur joie. L’un campe les seconds rôles, les faire-valoir, roulant les mécaniques ou incarnant un prêtre adepte de substances illicites ; l’autre, un gay libre et sans tabou. Le duo fait des étincelles. Leurs rires complices, la tendresse amicale qui irrigue leur jeu, forment le cœur vibrant de cette performance scénique drôle, sensible et pleine d’humanité.

Et j’en suis là de mes rêveries d’après le roman Rabalaïre d’Alain Guiraudie, mise en scène de Maurin Ollès © Erwan Dean
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Pourtant, l’atmosphère cryptogay, fantasmagorique et mortifère de l’œuvre de Guiraudie — celle qui habite notamment son film emblématique L’Inconnu du lac — résiste à la scène tant elle est difficile à appréhender. En tentant de lui donner une consistance, Maurin Ollès perd parfois cette vaporeuse étrangeté, qu’il troque contre une douce folie chaleureuse. Plus «bonne pâte» que véritablement insaisissable, ce Rabalaïre — qui désigne en occitan un homme qui va de droite à gauche, un type qui aime rendre visite — s’égare de temps à autre, pour mieux revenir, plus sympathique que jamais.

Conjuguant les arts du théâtre et du cinéma, multipliant les styles, Et j’en suis là de mes rêveries est un spectacle protéiforme, plein de charme, qui gagnerait toutefois à être resserré. Mais ce n’est qu’un détail : cette comédie de genre et de mœurs, qui frôle par moments le thriller métaphysique, est de bonne facture. Le pari de Maurin Ollès était audacieux — il est en grande partie réussi.


Et j’en suis là de mes rêveries d’après le roman Rabalaïre d’Alain Guiraudie
Création du 15 octobre 2024 à la Comédie de Colmar – CDN Grand Est Alsace
Durée 1h45

Tournée
31 mars au 11 avril  2025 au Théâtre de la Bastille, Paris
6 au 17 mai 2025 aux Célestins, Théâtre de Lyon

Mise en scène et réalisation Maurin Ollès
Avec Pierre Maillet, Maurin Ollès, et la participation en images de Ferdinand Garceau, Jean-François Lapalus, Pierre Maillet, Julien Villa
Ériture et adaptation Ferdinand Garceau, Pierre Maillet, Maurin Ollès
Production et assistanat réalisation Julie Lapalus
Dramaturgie et script Ferdinand Garceau
Scénographie et costumes Zouzou Leyens
Lumière et régie générale Bruno Marsol
Son Manon Amor
Diffusion et regard extérieur Aurélia Marin
Construction Marc De Frise
Stage maquette Yuna Choï
Image Lucas Palen
Assistanat caméra Micaela Albanese
Montage image Mehdi Rondeleux
Prise de son Arnold Zeilig
Perche Paul Guilloteau
Montage son et mixage Tiphaine Depret
Décors et accessoires Nissa Abaoui
Régie Mélaine Jonckeau
Étalonnage Erwan Dean
Musique originale et cuisine Bédis Tir
Musique générique de fin Simon Averous

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