Les corps se tordent, les mouvements sont itératifs, subjectifs. Plongeant dans sa mémoire, interrogeant sa grammaire chorégraphique, Hervé Robbe invite à un voyage hors du temps et de l’espace où les gestes d’hier répondent à ceux de demain. Malgré l’intérêt tout relatif de la vidéo, on se laisse envoûter par la fascinante souplesse des interprètes, leur présence hypnotique.
Un grand écran sert de fond de scène, sous lequel on devine des silhouettes. Celles de dix danseurs vêtus de noirs. Les premières notes de musique pop rock résonnent dans la salle. Reconnaissable, entre mille, la voix légèrement grave de Morissey s’y mêle. Des ombres, sorties d’un brouillard artificiel viennent hanter le plateau. Les gestes fluides, tels des volutes, électrisent l’espace, saisissent le regard, hypnotisent. Pas de deux ou danses de groupe, les corps s’attirent, se suivent, s’éloignent. Si chaque interprète joue une partition dissonante de celles des autres, elles finissent par se retrouver sur un enchaînement de mouvements, un refrain chorégraphique.
Conjuguant les temps, mêlant les supports, Hervé Robbe interroge son histoire et puise dans ses souvenirs dans un projet monstre, intitulé Memories (ou l’oubli) qui associe un livre, un film et dont ce spectacle est la pierre angulaire. Parcourant ses pensées, s’amusant à réécrire des phrases chorégraphiques où passé et futur se combinent, il invite à un voyage onirique, à une rêverie hypnotique entre réalité et fiction.
Si toutes les pièces de ce puzzle mémoriel n’ont pas toutes la même intensité, la même saveur, si l’ajout vidéo semble bien superflu, le jeu habité des danseurs, leur capacité à se laisser totalement emporter par les sons urbains, les musiques pop, rock ou classique contemporain, ensorcellent et font de l’ensemble une fantaisie poétique, un ballet ou la souplesse des gestes vient souligner la parfaite maîtrise d’une grammaire très structurée. Un moment singulier et délicat qui fait un temps oublier la dureté du monde extérieur.
Par Olivier Fregaville-Gratian d’Amore
A new landscape d’Hervé Robbe
Théâtre national de danse de Chaillot
Salle Firmin Gémier
Jusqu’au 9 juin 2018
Horaires variables
Durée 1h20 environ
conception, chorégraphie d’Hervé Robbe
assistanat a la chorégraphie : Catherine Legrand
avec Alexia Bigot, Yann Cardin, Émilie Cornillot, Vincent Dupuy, Harris Gkekas, Vera Gorbatcheva, Alexis Jestin, Alice Lada, Catherine Legrand, José Meireles
lumières de François Maillot
images de Vincent Bosc
son Jean-François Domingues
costumes Catherine Garnier
administration, production, diffusion Les Indépendances – Camille Barnaud / Clémence Huckel
Crédit photos © Vincent Bosc