Comment est née l’envie d’écrire une pièce sur Olympe de Gouges ?
Joëlle Fossier Auguste : Depuis plusieurs années, j’écris des pièces qui mettent en lumière des figures féminines oubliées. Mon fil conducteur a toujours été le courage des femmes qui ont osé braver leur époque, défendre leurs convictions coûte que coûte, parfois jusqu’à la mort. Olympe de Gouges s’est d’emblée imposée.
Elle fut une pionnière : une femme libre, engagée contre l’esclavagisme, fervente défenseure de l’égalité des sexes. La Révolution de 1789 – qu’elle a soutenue avec ferveur – qui se voulait porteuse d’idées nouvelles, a complètement écarté les femmes de l’Histoire. Olympe a dénoncé cette injustice en rédigeant la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, ce qui a signé notamment son arrêt de mort. Trois semaines après Marie-Antoinette, elle est envoyée à l’échafaud.

Mon texte ne cherche pas à régler des comptes avec les révolutionnaires, mais à rétablir certaines vérités. Il était essentiel de rappeler que les idéaux de liberté, d’égalité et de fraternité n’ont pas été accordés aux femmes.
Votre pièce a été reconnue par l’UNESCO. Qu’est-ce qui, selon vous, la rend si pertinente aujourd’hui ?
Joëlle Fossier Auguste : L’UNESCO valorise les œuvres qui portent des messages universels et Olympe de Gouges incarne parfaitement cette dimension. Les inégalités qu’elle dénonçait il y a plus de deux siècles persistent : les droits des femmes sont encore menacés dans de nombreux pays, et le patriarcat reste un combat de chaque instant.
Chaque représentation est une manière de rappeler que rien n’est jamais acquis. Olympe personnifie la figure d’une femme libre, qui, dans un monde dominé par les hommes, a osé prendre la parole, assumer ses choix, tant dans sa vie personnelle que publique. Elle disait : « Si une femme a le droit de monter à l’échafaud, elle doit avoir celui de monter à la tribune. » Son courage, son audace résonnent toujours avec une acuité saisissante.
Comment avez-vous construit cette pièce ?
Joëlle Fossier Auguste : Il me semblait essentiel d’éviter le piège du monologue figé. J’ai donc imaginé un dialogue entre Olympe et son geôlier, un interlocuteur invisible qui lui permet de raconter son histoire avec intensité. Cette structure crée une dramaturgie fluide et immersive, permettant au public de se sentir témoin direct de ses derniers combats.
La pièce retrace les grandes étapes de sa vie : son enfance, son engagement contre l’esclavagisme, ses premières pièces de théâtre, son ascension politique, puis sa chute. Elle montre comment une femme de lettres est devenue une figure politique et pourquoi elle a été considérée comme une menace.
Vous incarnez Olympe sur scène. Pourquoi ce choix ?
Joëlle Fossier Auguste : Parce que ce texte est viscéralement ancré en moi. En l’écrivant, j’avais une vision très précise du personnage et je voulais la transmettre avec toute l’intensité que je ressentais.
En 2019, lorsqu’on parlait d’Olympe de Gouges, elle restait encore méconnue du grand public. Aujourd’hui, son nom est au programme du baccalauréat, des films et des livres lui sont consacrés. Mais il reste tant à faire ! Jouer ce rôle, c’est l’incarner corps et âme, c’est rendre justice à son combat, à sa fougue, à son humanité.
Quel regard portez-vous sur l’impact de votre pièce auprès du public ?

Joëlle Fossier Auguste : C’est bouleversant. Voir des spectateurs sortir émus, inspirés, me conforte dans l’idée que ce spectacle est nécessaire. Certains découvrent Olympe de Gouges pour la première fois, d’autres approfondissent leurs connaissances de son œuvre, mais tous sont touchés par sa force et son audace.
Les jeunes, en particulier, réagissent avec une intensité incroyable. Ils comprennent que ses combats sont toujours d’actualité et qu’ils ont, eux aussi, un rôle à jouer. Quand un spectateur me dit que cette pièce lui donne envie de s’engager, je me dis que le pari est gagné.
Pourquoi est-il essentiel, aujourd’hui encore, de parler d’Olympe de Gouges ?
Joëlle Fossier Auguste : Parce qu’elle représente une figure essentielle du combat pour l’égalité. Elle nous rappelle que les droits ne tombent pas du ciel, qu’ils doivent être arrachés et défendus, génération après génération.
Elle a été moquée, diffamée, réduite au silence. Longtemps, on a tenté de la discréditer en la décrivant comme une femme légère, une intrigante. Mais aujourd’hui, la vérité éclate : c’était une visionnaire, une femme d’une envergure universelle. Elle réclamait le droit au divorce, l’éducation des filles, la reconnaissance des enfants nés hors mariage, la création de maternités et d’hôpitaux. Ses idées, trop modernes pour son époque, sont aujourd’hui des acquis fondamentaux.
L’UNESCO ne s’est pas trompé en reconnaissant l’importance de cette pièce. C’est un hommage à toutes celles qui ont été réduites au silence. Olympe de Gouges nous enseigne que la parole est une arme puissante, et qu’il faut savoir l’utiliser. Lui offrir une tribune contemporaine, c’est prolonger son combat et montrer qu’il est loin d’être terminé. Un spectacle nécessaire, pour que certaines voix continuent à résonner, envers et contre tout.
Propos recueillis Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Olympe de Gouges, plus vivante que jamais de Joëlle Fossier Auguste
La Divine Comédie
2 rue Saulnier
75009 Paris
jusqu’au 29 mars 2025
Durée 1h10 environ
Mise en scène et interpétation – Joëlle Fossier Auguste
Sons & vidéos – Elisabeth Schweitzer