Vos débuts
Votre premier souvenir d’art vivant ?
Mes parents m’ont emmené très jeune à la Comédie-Française et à l’Opéra Garnier voir des ballets. Ce sont mes premiers souvenirs de spectacle vivant. Nous n’habitions pas Paris alors c’était à chaque fois un petit voyage : faire la route en voiture, se garer à Paris (c’était déjà un vrai souci), manger un sandwich dans un bistrot (je choisissais un baguette/rosette mais sans beurre), traîner dans les salons de ces somptueux endroits, avant, pendant l’entracte et après le spectacle. Et bien sûr, la découverte du jeu des interprètes, les décors, les costumes, la musique.

Qu’est-ce qui vous a poussé à choisir cette voie ?
Il y en a plusieurs, c’est évident ! Mais, le plus ancien, celui qui a entraîné une prise de conscience forte chez moi, fut de réciter un poème devant toute la classe sous les yeux impressionnés de ma professeure de français, Madame Barnier (à qui je dois beaucoup), avec qui j’ai commencé le théâtre ensuite. J’ai ressenti ce jour-là une déflagration à l’intérieur de moi, un signe fort qui m’a profondément marqué.
Pourquoi ce métier ?
La nécessité de créer, d’inventer, d’interpréter des personnages, des doubles. L’admiration qu’avaient mes parents pour les acteurs et les actrices aussi, eux qui ne venaient pas du tout de ce milieu. La fabrication artisanale, la force du collectif, transmettre et relayer des émotions.
Racontez-nous le tout premier spectacle auquel vous avez participé. Une anecdote marquante ?
Ça s’appelait Chemin de ronde, un spectacle que nous avions créé avec mes camarades de l’époque. J’étais adolescente, on avait monté une troupe. Je jouais notamment une scène de cabaret, où je chantais et je dansais et j’avais adoré faire ça. Je me souviens de beaucoup de joie et d’amitiés, mais aussi déjà beaucoup d’exigence dans le travail. J’ai appelé ça plus tard « une exigence joyeuse » avec laquelle j’adore travailler !
Passions et inspirations

Votre plus grand coup de cœur scénique ?
Les spectacles de Pina Bausch, Le crocodile trompeur/Didon et Enée de Jeanne Candel et Samuel Achache, La réunification des deux Corées de Joël Pommerat, les spectacles de Vimala Pons et Tsirihaka Harrivel et de Bonaventure Gacon.
Quelles belles rencontres ont marqué votre parcours ?
Il y en a de nombreuses, parce que la joie de ce métier est celle de faire beaucoup de rencontres passionnantes. Mais les plus marquantes sont Jeanne Herry, que je rencontre sur un film de Patrice Chéreau, Gabrielle. C’est le point de départ d’une grande amitié, mais aussi d’une collaboration sur deux de mes spectacles.
Maël Piriou avec qui j’ai co-écrit deux spectacles et réalisé un court-métrage. Et Philippe Bégin, auteur, compositeur avec qui j’ai écrit mes deux derniers spectacles (MIAM et Nobody’s perfect) et avec lequel je partage la scène également. Il y a également Vincent et Pascal Reverte, avec qui j’ai commencé le théâtre il y a plus de 30 ans. Et avec qui j’ai le grand plaisir de continuer à travailler aujourd’hui !
Où puisez-vous votre énergie créative ?
Les détails de la vie et les frites bien sûr.
En quoi ce que vous faites est essentiel à votre équilibre ?
Faire ce métier est une nécessité profonde, jouer, mais aussi créer des spectacles font partie de ma vie depuis très longtemps, donc c’est véritablement moi ! Ce qui fait que j’ai l’impression de ne pas trop passer à côté de moi-même, ce qui est pratique, vu que je vais mourir à un moment.
L’art et le corps

Que représente la scène pour vous ?
Physique. Je suis un corps sur une scène qui essaierait de « danser dans les chaînes ». Cette phrase empruntée à Nietzsche est un mantra puissant dans mon travail d’actrice, mais aussi dans la vie !
Où ressentez-vous, physiquement, votre désir de créer et de jouer ?
Aucun en particulier. Je mets tout mon corps et tout mon être dans chaque rôle. C’est ce qui est un peu fatigant des fois ! Jouer c’est physique et cérébral. C’est un tout.
Rêves et projets
Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
Avec tellement de gens, la liste est longue ! Je suis très curieuse de nature et ce qui est très excitant dans ce métier également, c’est d’avoir la chance de rencontrer régulièrement de nouveaux artistes et de nouvelles visions artistiques. N’hésitez pas à me contacter, mon agent, c’est Jean-Baptiste L’Herron chez UBBA.
Si tout était possible, à quoi rêveriez-vous de participer ?
Peut-être une pièce classique, ce n’est certainement pas très foufou pour certain, mais je n’ai joué que dans des spectacles de création originale jusqu’à présent, donc pour moi ça serait un vrai pas de côté. Mais avec des chansons et de la musique bien sûr, et beaucoup de monde sur le plateau, des acteurs, des actrices, de la danse, un orchestre et beaucoup d’argent.
Si votre parcours était une œuvre d’art, laquelle serait-elle ?
Agnès Varda dit cette phrase dans les Plages d’Agnès que j’aime beaucoup :« Si on ouvrait des gens, on trouverait des paysages, si on m’ouvrait moi, on trouverait une plage. » Si j’essaie de répondre à cette question complexe, je dirai Les demoiselles de Rochefort de Jacques Demy, un film qui a marqué mon enfance et ma vie. Ma grand-mère et ma mère ont grandi à Rochefort, j’y passais tous mes étés. Ma mère a joué dans ce film aussi. Ce film et ce lieu font donc partie de moi et de mon histoire. C’est aussi pour cette raison que le dialogue texte et musique me passionne autant en tant que spectatrice et créatrice et actrice/chanteuse. La vie est une chanson !
Propos recueillis par Marie-Céline Nivière
Peut-être Nadia, texte et mise en scène de Pascal Reverte
Théâtre de la Reine Blanche
2 bis passage Ruelle
75018 Paris.
Du 12 au 30 mars 2025
durée 1h20.