Grande Ourse - Alice Sarfati © Antoine Camard
© Antoine Camard

Grande Ourse : Au cœur de la recherche de soi

Lauréate du prix du Théâtre 13 en 2021, avec Baran, une maison de famille, Alice Sarfati poursuit son exploration de ce formidable terrain de jeu formé par ses liens qui constituent un individu, son passé et sa famille.

En ces temps de course au bien-être, les méthodes thérapeutiques diverses et variées ne cessent de fleurir dont celle de la « Constellation familiale ». Comme le rappelle Alejendro Jodorowski, ce grand artiste qui a mis au point des thérapies par l’art : « Nous trouvons dans l’arbre généalogique des endroits traumatisés, non digérés, qui cherchent indéfiniment à se soulager. » Grande Ourse d’Alice Sarfati raconte, comment à travers une séance, Jeanne va se libérer pour trouver sa place dans cette constellation particulière que fut sa famille.

Grande Ourse - Alice Sarfati © Antoine Camard
© Antoine Camard

La méthode de la « Constellation familiale », comme celle du psychodrame, passe par le jeu. Le groupe est formé de gens qui ne se connaissent pas, n’ont souvent rien en commun. Ils forment les différentes étoiles qui tournent autour d’un meneur. Celui-ci est davantage un coach (Matthias Jacquin), ce mot fourre-tout, que d’un thérapeute. On sent les failles d’un homme qui finalement ne va pas mieux que ses « clients ». Il fait une entrée fracassante en se cassant la figure sur le sol glissant. La métaphore est très drôle.

La première partie du spectacle, qui mériterait d’être resserrée ou dynamisée, permet aux spectateurs de faire connaissance avec la méthode, mais surtout avec les personnages. L’atelier se déroule dans une salle quelconque et sans âme. Des chaises sont installées en cercle comme pour les groupes de parole. Les participants arrivent tour à tour. Il y a les habitués et les deux petits nouveaux. Parce que le coach ne retient pas leurs prénoms, il les désigne par une particularité de leur habillement : bonnet jaune (Margot Alexandre), fichu (Margaux Grilleau), jean’s (Judith Zins), débardeur (Sylvère Santin) et basket blanche (Vincent Steinebach).

C’est la petite nouvelle, Jeanne (Jean’s) qui va être au cœur de la constellation. Le spectacle trouve alors toute sa puissance. On comprend les enjeux de cette thérapie qui se sert des codes du théâtre. Jeanne, qui a perdu dans tous les sens du terme sa mère, vient chercher les réponses au « chaos de l’organisation de sa vie ». À travers des saynètes, où chacun des participants va jouer un rôle et insuffler selon ses blessures sa perception, la jeune femme part à la recherche du dysfonctionnement maternel. Elle va revivre l’anniversaire des quatorze ans de sa mère, la mort de la grand-mère et le déchirement d’une famille recomposée autour du notaire. Le manque d’amour qu’elle a toujours ressenti prend alors sens.

Le travail d’Alice Sarfati, qui maîtrise bien son sujet, est remarquable. S’inscrivant dans la démarche de la création collective, les comédiennes et comédiens ont apporté à leurs personnages de très belles matières. Ils sont drôles, touchants, fragiles, agaçants et terriblement humains. Comme dans Les petites bêtes de Delphine Théodore, les liens mère-filles, se repassant sans cesse « leurs valises », passent par différentes générations. Telle la constellation de la Grande Ourse qui permet de s’orienter, la figure maternelle n’en a pas fini de briller sur la création et faire chavirer ceux qui sont sujets au fameux « mal de mère ».


Grand Ourse, texte et mise en scène Alice Sarfati
Théâtre 13 / Bibliothèque
30 rue du Chevaleret
75013 Paris.
Du 4 au 14 mars 2025
durée 1h40.

Avec Judith Zins, Vincent Steinebach, Margaux Grilleau, Sylvère Santin, Matthias Jacquin, Margot Alexandre
Collaboration artistique de Camille Soulerin
Lumières de Karl Ludwig Francisco
Création musicale de Pierre Cohen.

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