La couverture du livre La rue de la Gaîté est verte, une couleur ordinairement bannie des codes du théâtre. Censée porter malheur, elle a néanmoins apporter de la chance au jeune comédien Axel Auriant qui, jouant sur la corde sensible du « mentir vrai », fait une belle déclaration d’amour au théâtre et à la vie.
Le théâtre comme thérapie
La rue de la Gaîté a une place à part dans le paysage parisien. Si vous la remontez du boulevard Edouard Quinet jusqu’à l’avenue du Maine, vous passez devant le Théâtre Rive Gauche, la Comédie Italienne, Bobino, le théâtre Montparnasse et celui de la Gaîté. À l’heure des levers de rideaux, les spectateurs s’y pressent. C’est l’endroit rêvé lorsque l’on rêve un jour de monter sur les planches.
C’est donc tout naturellement là que le jeune Baptiste, élève au cours Florent, se rend pour se faire embaucher comme ouvreur. Il est engagé par le prestigieux théâtre Montparnasse, qui fut en son temps dirigé par un des fondateurs du Cartel, Gaston Baty. Il vit un rêve éveillé, car le spectacle à l’affiche est Le Misanthrope avec un des derniers monstres sacrés, Marcel André, le comédien préféré de son grand-père. Cette rencontre inespérée lui permet de trouver la hardiesse nécessaire pour prendre son envol.
Le poids des souvenirs
Axel Auriant aborde de nombreux sujets liés à la construction personnelle et à la transmission. Baptiste est un être blessé qui a grandi entre une mère maltraitante et un père démissionnaire. La tendresse de son grand-père, fou de théâtre, et qui ne manquait jamais un spectacle de son idole, Marcel André, l’a poussé à vouloir embrasser cette carrière d’acteur.
L’auteur dépeint avec une belle acuité les coulisses de ce théâtre et tous ceux qui œuvrent dans l’ombre – directrice, ouvreuses et ouvreurs, régisseurs – ou dans la lumière – comédiens, comédiennes, vedettes et obscures – le font fonctionner et vibrer. Il en est de même pour la fourmilière qu’est devenue le cours Florent où chacun tente de trouver sa place et l’accès à la fameuse classe libre. Ne cherchez pas qui se cache derrière ses personnages dont certains sont hauts en couleur. Pour les nourrir, Axel Auriant s’est servi de diverses personnalités, tout comme pour son personnage de Baptiste qui est un lointain double de lui-même. En revanche, il partage avec son héros la même passion, celle du théâtre, des textes et des interprètes.
Le résultat est magnifique. On suit avec beaucoup de tendresse le parcours de ce jeune homme si sensible qui cherche l’amour et à donner un sens à sa vie. Si l’atmosphère est souvent nostalgique et peut surprendre, elle se justifie par ce final de toute beauté auquel on ne s’attend pas.
L’année 2025 est pour le comédien un beau cru. En plus de voir son livre en haut des piles des librairies, il est aussi en haut de l’affiche au théâtre Tristan Bernard, dans Numéro 2, la pièce adaptée du roman de David Foenkinos. Bravo !
Marie-Céline Nivière
Rue de la Gaîté d’Axel Auriant
Éditions Fayard
Parution janvier 2025
256 pages
Prix conseillé 20,90 €.
