Trahisons - Pinter - Cadiot - Vialle - Arlaud - Kauffmann - Arnaud © Caroline Bottaro
© Caroline Bottaro

Trahisons : Le diabolique trio de Pinter se porte toujours bien

Au Théâtre de l’Œuvre, Tatiana Vialle met en scène la grande pièce du dramaturge anglais dans une adaptation nouvelle, offrant ainsi aux comédiens une partition plus contemporaine.

Dès les premières répliques, les sens sont en émoi. Loin des traductions bien propres et très bourgeoises d’Éric Kahane ou de son successeur Philippe Djian, l’adaptation de Trahisons d’Olivier Cadiot, qui n’en est pas à son premier Pinter (La Collection) est admirable. Chaque mot étant à sa place, les sentiments troubles qui habitent l’œuvre retrouvent toutes leurs saveurs.

Cette nouvelle traduction permet à la metteuse en scène Tatiana Vialle de faire de ce faux drame bourgeois un spectacle nerveux, vivant et résolument moderne. Sa scénographie, presque clinique, accentue la part d’ambiguïté qui rode tout au long de cette variation sur l’adultère menée par le célèbre trio, « mari, femme, amant ».

Trahisons - Pinter - Cadiot - Vialle - Arlaud - Kauffmann - Arnaud © Caroline Bottaro
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Pinter commence par la fin avec les retrouvailles deux ans après leur rupture d’Emma et Jerry. Elle l’a convoqué pour le prévenir qu’elle a tout avoué à son mari. Jerry panique, car Robert, l’époux, n’est autre que son meilleur ami. À partir de là, Pinter déroule à rebours toute l’aventure. Ce schéma à la chronologie inversée crée l’originalité de la pièce. Les morceaux du puzzle s’ajustent, reconstituant l’histoire de trois êtres empêtrés dans leur vie faite de trahisons, de petites lâchetés, de tromperies, de non-dits. Entre rire et angoisse, illusions et naufrage, il apparaît que le dindon de la farce n’était pas le mari, mais l’amant.

Pour personnifier ce trio de « traîtres », la metteuse en scène a accordé avec maestria de très bons instruments qui interprètent la partition avec toutes les nuances nécessaires. Dans le rôle de l’amant, elle retrouve Swann Arlaud (Exécuteur 14 d’Adel Hakim), un comédien dont elle connaît très bien le talent. D’une grande élégance avec ses fêlures à fleur de peau, l’acteur donne des nuances troublantes à Jerry. Froid et égoïste, il ménage la chèvre et le chou.

Le couple n’est pas en reste. Dans le personnage de la femme pris entre deux feux, Marie Kauffmann se révèle très subtile. Est-elle complice de son époux ? Où une victime dépassée ? Marc Arnaud, qui nous avait régalé avec son spectacle La métamorphose des cigognes, est glaçant, ironique, manipulateur à souhait. Il est un observateur machiavélique d’un jeu dont il connaissait les règles.

En choisissant de mettre davantage l’accent sur les relations troubles entre les deux hommes que sur la position de la femme, Tatiana Vialle souligne l’ambiguïté d’une relation amicale aux contours flous. C’est magnifique.


Trahisons d’Harold Pinter
Théâtre de l’Œuvre
55 rue de Clichy
75009 Paris
Jusqu’au 30 mars 2025
Durée 1h30

Traduction d’Olivier Cadiot (éditions L’ARCHE)
Mise en scène de Tatiana Vialle
Avec Swann Arlaud, Marc Arnaud, Marie Kauffmann et Tobias Nuytten
Lumière Christian Pinaud
Scénographie/vidéo Alain Lagarde
Réalisation média Arnaud Pottier, Manon Boucher, Studio BK A + E
Costumes Camille Rabineau
Musique Lou et Mahut

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