Cheveux roux relevés en chignon, la célèbre Goulue, reprend vie et gouaille à l’Essaion. De sa mort dans le dénuement à sa jeunesse dans un couvent, en passant par ses années folles au Moulin Rouge, elle conte sa vie par le menu. Avec tendre passion et fougueuse empathie, Delphine Gandsart se glisse dans la peau de la célèbre danseuse de cancan et lui rend un hommage vibrant.
Du plus profond des ténèbres, une voix d’outre-tombe, chevrotante, résonne sous les voûtes de la salle de théâtre. Silhouette courbée, pas hésitants, La goulue, toute vêtue de noir, fait son apparition. Il est loin le temps où elle levait la jambe sous le regard enamouré de Toulouse-Lautrec, d’Aristide Bruant, où elle posait nue pour Auguste Renoir. Entêtée, indépendante, rêvant de liberté, elle quitte en pleine gloire le Moulin rouge pour devenir dompteuse de fauves dans les fêtes foraines. Mais, le succès n’est pas vraiment au rendez-vous.
Vivante, terriblement humaine, La Goulue, de son vrai nom Louise Weber, a tout connu, la pauvreté, la richesse, des amants célèbres, des fils de rois, des hommes violents qui la battaient, des femmes au corps doux. Refusant les contraintes, acceptant sans broncher son destin, elle continue à vivre coûte que coûte bradant ses souvenirs sur le trottoir. Ébranlée par la mort de son unique enfant, le petit Simon, elle aide les plus démunis qu’elle recueille, tous les animaux errants qu’elle croise sur son chemin.
En s’emparant de l’histoire de celle qui fut la reine incontestée du Moulin Rouge, Delphine Gustau signe un portrait tendre et intimiste de la Goulue. Derrière l’artiste dont la chevelure rousse, reconnaissable entre mille, donne le ton de quelques tableaux accrochés entre autres aux cimaises du Musée d’Orsay, se dessine un être humble, sensible, une gouailleuse au cœur d’or, une femme libre, qu’incarne avec justesse et drôlerie Delphine Grandsart.Jouant sur les intonations de sa voix, tour à tour rauque ou enfantine, la comédienne, portée par une mise en scène simple, sans artifice, donne vie à Louise Weber. Égrenant tout au long du spectacle les chansons réalistes qui ont fait les beaux jours de la Belle Époque, accompagnée à l’accordéon par l’excellent Matthieu Michard, elle nous plonge dans le quotidien hors norme de celle qui donna au French Cancan ses lettres de noblesse. Une gourmandise théâtrale et musicale dont le charme désuet et la fraîcheur piquante en font la savoureuse consistance. Foncez à l’Essaïon et laissez-vous ensorceler par La Goulue !
Par Olivier Fregaville-Gratian d’Amore
Louise Weber dite La Goulue de Delphine Gustau
Théâtre de l’Essaïon – salle cabaret
6, rue Pierre au lard
75004 Paris
Jusqu’au 26 juin 2018
Les lundis et mardis à 21h30
Durée 1h00
mise en scène de Delphine Grandsart et Delphine Gustau
avec Delphine Grandsart et Matthieu Michard à l’accordéon