Astrid Bayiha © DR
Astid Bayiha © DR

Astrid Bayiha : Une langue, un regard et une histoire

Au Théâtre de l’Atelier, la comédienne, autrice et metteuse en scène se frotte à la langue de Jean-Luc Lagarce aux côtés de Vincent Dedienne dans une mise en scène de Johanny Bert. L’occasion pour cette artiste plurielle de revenir sur un parcours riche et dense.

Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
Les concerts de Michael Jackson à la télé en alternance avec les cassettes de musiques camerounaises que mes parents écoutaient, et sur lesquels on dansait tous les dimanches quand j’étais petite. C’est là que mon amour pour la danse (et la fête) a commencé.

Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
J’ai tenté le concours du CNSAD à l’âge de 21 ans en sachant que je voulais en faire mon métier. Je n’avais pas de coach, de professeur.e ou de metteur.se en scène à ce moment-là, car je venais de terminer mon cursus dans une petite école de théâtre privée. Trois comédiens et comédiennes ont généreusement accepté de me suivre, et nous avons travaillé ensemble. J’avais une foi incommensurable. C’est cette foi – ou cette fougue de jeunesse – qui a été le déclencheur. La jeune étudiante en troisième année de Licence LLCE Anglais que j’étais ne voulait plus que le théâtre soit secondaire dans sa vie.

Juste la fin du monde - Lagarce - Bert - Dedienne © Christophe Raynaud de Lage
Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce, mise en scène de Johanny Bert © Christophe Raynaud de Lage

Qu’est-ce qui a fait que vous avez choisi d’être comédienne, metteuse en scène et autrice ? 
J’ai choisi d’être comédienne par un désir profond de questionner le monde et l’humain. Une envie de partager et de provoquer des émotions, de vivre des aventures fortes. De vibrer et de faire vibrer aussi. J’ai choisi d’être metteuse en scène pour les mêmes raisons, mais aussi pour avoir la liberté de créer mes propres projets et de mettre en lumière les artistes avec lesquels je travaille. J’ai un désir très fort de sublimer les comédiens et comédiennes que je dirige. L’écriture est mon autre langage depuis l’âge de huit ans, notamment à travers la poésie. C’est un moyen salvateur de m’exprimer. Et puis, j’ai commencé à vouloir écrire mes propres histoires et à les voir sur scène. Ces trois casquettes participent aujourd’hui à mon épanouissement en tant qu’artiste.

Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?
C’était un spectacle de clown. J’étais dans une colonie de vacances en Italie, à Ripatransone, un petit village dans la région d’Ascoli Piceno. J’allais avoir quinze ans. On nous avait initié au clown et nous devions faire un spectacle de rue devant les habitant.e.s du village. J’en retiens une sorte de déflagration lumineuse, un déclic. À partir de ce moment-là, l’envie de jouer ne m’a plus jamais quittée.

Votre plus grand coup de cœur scénique ?
Welfare, mis en scène par Julie Deliquet. Pour le projet, pour l’équipe, l’aventure humaine et pour la traversée. Et en tant que spectatrice, j’hésite entre Les Éphémères d’Ariane Mnouchkine et La Tragédie d’Hamlet, mis en scène par Peter Brook aux Bouffes du Nord.

Welfare d'après le documentaire de Frederick Wiseman, mise en scène de Julie Deliquet © Christophe Raynaud de Lage
Welfare d’après le documentaire de Frederick Wiseman, mise en scène de Julie Deliquet © Christophe Raynaud de Lage

Quelles sont vos plus belles rencontres ?
Mon fils, pour commencer. Et quelques personnes dans ma vie intime. Dans mon parcours artistique et professionnel, il y en a pas mal aussi, et évidemment, là tout de suite, je pense à Valentin de Carbonnières, notamment parce que nous avons discuté d’un projet, il y a peu. Valentin est une des plus belles rencontres que j’ai faites quand j’étais étudiante au CNSAD. Il est devenu depuis un ami cher et un partenaire artistique. Je pense aussi à toutes les personnes qui ont accepté de travailler avec moi sur mes différents projets, à d’autres rencontrées sur des projets dans lesquels j’étais engagée en tant que comédienne et qui, d’une manière ou d’une autre, m’ont touchée. Certaines de ces rencontres se sont transformées en amitié. Je dirais aussi que certaines de mes plus belles rencontres ont eu lieu lors de mes voyages, quand je suis dans une autre forme de disponibilité, dans un désir de découvertes et de nouveautés différent de celui que j’explore dans mon métier.

En quoi votre métier est-il essentiel à votre équilibre ?
Mon métier est un métier-passion. C’est l’endroit où j’ai l’impression d’être à ma place, celui dans lequel j’ai la sensation de pouvoir agir et m’engager. Il est – je l’avoue aussi – une sorte de refuge parfois, qui me permet de supporter ce qui, dans notre monde, peut me violenter.

Qu’est-ce qui vous inspire ?
Tout ce qui est en lien avec l’amour, la transgression ou la liberté. L’actualité aussi, même si je la trouve chaque jour de plus en plus effrayante et révoltante depuis quelque temps, et que je réfléchis à trouver le juste milieu. Quelque part entre « s’en foutre et en crever », comme disait Romain Gary.

De quel ordre est votre rapport à la scène ?
La scène est mon autre maison.

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M comme Médée d’Astrid Bayiha avec Valentin de Carbonnières © Imane Djamil

À quel endroit de votre chair, de votre corps, situez-vous votre désir de faire votre métier ?
Ça va du ventre à la foufoune !

Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
Avec des artistes qui ont le souci de la bienveillance et de l’exigence. Avec des artistes pour qui les rapports humains, dans leur complexité, sont essentiels et qui font leur métier avec talent et amour.

À quel projet fou aimeriez-vous participer ?
Tourner dans un biopic sur Nina Simone réalisé par Spike Lee.

Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
L’auto-fiction que j’ai commencé à écrire.


Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce
Théâtre de l’Atelier
1 place Charles Dullin
75018 Paris
du 15 janvier au 22 mars 2025
Durée 1h30 

Tournée
25, 26 et 27 mars 2025 au Sémaphore, Cébazat
29 mars 2025  à La Halle aux grains, Blois
1er au 5 avril 2025  à La Croix-Rousse, Lyon
8 et 9 avril 2025 au Théâtre de Pau
11 avril 2025 au Théâtre Odyssée, Périgueux.

Mise en scène et scénographie de Johanny Bert
Avec Astrid Bayiha, Céleste Brunnquell, Vincent Dedienne, Christiane Millet, Loïc Riewer et les marionnettistes en alternance Kahina Abderrahmani et Élise Cornille
Assistante à la mise en scène Lucie Grunstein et à la scénographie Grégoire Faucheux
Musique de Guillaume Bongiraud
Création sonore de Marc De Frutos
Lumières de Robin Laporte
Création marionnette Amélie Madeline
Costumes d’Alma Bousquet
Accessoiriste Irène Vignau
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Par ailleurs, Astrid Bayiha sera dans la nouvelle création de Julie Deliquet, une adaptation de La Guerre n’a pas un visage de femme de Svetlana Alexievitch, créée au Printemps des Comédiens en mai 2025

– Elle prépare aussi son prochain spectacle, Strange Fish( Serrer tes jours contre les miens), monologue qu’elle a écrit et qu’elle interpréta dans une mise en scène par Valentin de Carbonnières. La création est envisagée pour la saison 2026/2027.

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