Oyez braves gens de Paris, venez au théâtre de la Huchette écouter l’édifiante histoire des Mystères de Paris. Des mille trois cents pages du roman, des personnages à foison et des intrigues qui s’entremêlent, ils en tirent une histoire remaniée, très simple à suivre, non dénuée d’esprit et de drôlerie, et qui se termine bien. Fidèle à l’univers d’Eugène Sue, leur adaptation est remarquable.
Douze grands numéros musicaux, une dizaine de récitatifs, des reprises et des dialogues parfois intégralement chantés composent le spectacle. Le délicieux et doué Didier Bailly (La poupée sanglante) signe la musique et l’épatant Éric Chantelauze (Comédiens, Contre-temps) le livret. Le résultat est rémarquable. Sous la direction de Franck Desmedt, le petit théâtre de la Huchette est devenu un haut lieu du musicale !
Quel mélodrame !
La vie n’a pas fait de cadeaux aux héros de ce récit qui nous plonge dans les entrailles d’un Paris où Les Misérables de Victor Hugo font piètre figure à côté de ceux d’Eugène Sue. Quand le rideau se lève, les spectateurs découvrent d’abord un endroit idyllique et ensoleillé où deux jeunes tourtereaux, fraîchement mariés en secret, se déclarent un amour éternel. Il est Rodolphe, duc de Gerolstein. Elle est Sarah, une jeune « bergère » à qui une voyante prédit un grand avenir. Noir !
Quand les lumières se rallument, le jeune homme du début, qui n’est plus que l’ombre de lui-même, annonce que seize années ont passé. On apprend qu’il traîne dans Paris à la recherche de François Germain, le fils disparu d’une amie. Dans son périple, il rencontre Fleur-de-Marie, une petite orpheline maltraitée par des Thénardier en puissance… Il la sauve de la misère, mais elle tombe entre les mains d’un notaire véreux et libidineux. Entre-temps, Sarah, devenue veuve, cherche à reconquérir le cœur de Rodolphe qui, comme on le comprend, l’avait rayée de sa vie. Toute une série de rebondissements vont se succéder. Les méchants seront punis et les gentils vivront dans le bonheur !
Un travail d’orfèvre
Trois personnages, Rodolphe, évidemment, Fleur-de-Marie et l’ignoble Maître Ferrand portent la narration. Autour d’eux vont graviter les autres personnages. La magie de ce formidable spectacle repose sur ces trois interprètes habillés de blanc. Il suffit qu’ils endossent un manteau, un gilet, un châle, un corset, etc., et le spectateur sait de quel personnage il s’agit. Simon Heulle, Lara Pegliasco et Olivier Breitman (en alternance avec Arnaud Léonard) sont exceptionnels. Ils peuvent rivaliser sans peine avec leurs confrères de Broadway !
Pour les différents espaces, la petite scène de la Huchette se transforme en un écrin splendide. La scénographie est admirable. Le décor est basé sur des toiles qui selon les lumières deviennent salons bourgeois, rues sordides, palais, jardins… Les personnages entrent et sortent par les coulisses mais surgissent également de l’extérieur de la salle. La mise en scène de Patrick Alluin (Exit) est du vif-argent. L’attention du spectateur est sans cesse sollicitée. Ces Mystères de Paris sont incontestablement une des belles surprises de cette saison.
Marie-Céline Nivière
Les mystères de Paris, comédie musicale d’après l’œuvre d’Eugène Sue
Théâtre de la Huchette
23 rue de la Huchette
75005 Paris.
Du 31 janvier au 29 mars 2025
Durée 1h40
Adaptation de Patrick Alluin, Éric Chantelauze et Didier Bailly
Livret d’Éric Chantelauze
Musique de Didier Bailly
Mise en scène de Patrick Alluin
Avec Lara Pegliasco, Simon Heulle, Olivier Breitman ou Arnaud Léonard
Costumes de Julia Allègre
Décor de Sandrine Lamblin
Lumières de Laurent Béal
Combats de Philippe Penguy
Orchestrations de Marie-Anne Favreau et Paul Cépède
