Aurore Auteuil © Céline Nieszawer
Aurore Auteuil © Céline Nieszawer

Aurore Auteuil : « Personne ne devrait voir son intégrité physique discutée ou remise en cause »

Au Studio Marigny, pour deux dates exceptionnelles, la comédienne et metteuse en scène monte Les monologues du vagin de V (Eve Ensler), un texte nécessaire à l’heure où le droit des femmes et des trans régresse un peu partout dans le monde. 

Aurore Auteuil : C’était une nécessité, un besoin personnel. J’ai dépassé la quarantaine, je suis une femme en 2025, mère d’une adolescente de 16 ans, et j’observe notre société. Je constate un certain recul sur des acquis pour lesquels nos mères et nos grands-mères se sont battues.

Je vivais à Marseille au tout début du processus créatif. Je cherchais à mettre en scène un texte percutant qui corresponde non seulement à mes envies, mais aussi à mes combats. En observant la ville, le regard sur les femmes, le repli d’une certaine forme de liberté, j’ai voulu faire entendre à nouveau ce texte qui a vu le jour, il y a près de trente ans à Broadway. J’ai donc demandé le texte à Marie-Cécile Renaud, l’agent de V (Eve Ensler) pour la France. Plus exactement la version de 2017 augmentée d’une partie dédiée aux femmes transsexuelles. Ce passage m’a frappée et blessée à la fois. J’ai ressenti une urgence à remonter cette pièce avec une artiste transgenre pour porter ces mots et défendre ces voix trop souvent invisibilisées. Il était essentiel pour moi qu’elles puissent s’exprimer sur scène.

Aurore Auteuil : L’intemporalité du texte : la souffrance et le combat de ces femmes restent les mêmes à travers les âges. Ce texte est toujours d’actualité et doit être entendu. Je ne suis pas une militante dans l’âme, mais ce projet était une nécessité viscérale autant que vitale. V (Eve Ensler) est une pionnière du féminisme dans le théâtre, bien avant #MeToo et les autres mouvements. Il faut absolument poursuivre ces luttes et que ces mots résonnent encore et toujours.  Par ailleurs, je ressens une profonde empathie pour celles et ceux qui se sentent différents. La diversité est une richesse et doit nous unir plutôt que nous diviser. Tout cela m’a conforté dans mon choix de mettre en scène les Monologues du vagin, même s’ils ont déjà été beaucoup joués par différentes femmes, qu’elles soient comédiennes, politiques ou militantes. 

Aurore Auteuil : Je voulais donner la parole à une artiste ayant vécu une époque où les droits des femmes étaient quasi inexistants. Ces femmes ont mené des combats immenses pour être reconnues et respectées. À l’époque où Galia (Salimo) a grandi et s’est affirmée, une femme transgenre pouvait être arrêtée simplement pour ce qu’elle était. On les considérait comme des malades mentales, on leur interdisait les opérations de transition, et elles subissaient des traitements inhumains. Ces réalités historiques m’ont bouleversée, et il me paraissait indispensable de les raconter sur scène. On ne se connaissait pas. J’ai eu son numéro par Dave, un ami de mon père dont je suis très proche. Un simple coup de fil a suffi. Nous avons eu un vrai coup de foudre. 

Par ailleurs, l’une des volontés de V (Eve Esler) est que la distribution soit plurielle et diversifiée. Le choix de Déborah (Lukumuena) a été une évidence. Je ne l’ai jamais vue sur scène, mais son interprétation dans Divines de Houda Benyamina a été un choc. Dès les premières lectures, j’ai trouvé en elle une actrice qui incarnait à la perfection ce que je recherchais : un jeu intense, une présence forte, une authenticité rare.

Aurore Auteuil : Absolument. Cela fait deux ans que je me bats pour que ce projet voit le jour. Quand j’ai commencé, nous n’en étions pas encore au contexte actuel. Tout ce qui porte atteinte aux libertés fondamentales me scandalise. Personne ne devrait voir son intégrité physique discutée ou remise en cause. Chacun a le droit d’être qui il veut, d’exister selon ses propres termes et d’être heureux.

Aurore Auteuil : Ma sensibilité. Dès le début, j’ai su où je voulais aller avec cette mise en scène. Je voulais intégrer de la musique, un jeu subtil sur la lumière et quelques éléments visuels, sans tomber dans l’excès. Ce texte a souvent été joué par des personnalités hors du monde du théâtre, mais pour moi, il était essentiel de le travailler avec des artistes ayant ce qu’on appelle une nature. J’ai particulièrement travaillé avec Galia, qui a vécu dans un corps qui ne lui correspondait pas. Ce fut un processus intense et bouleversant. Je sais la chance que j’ai d’avoir ces actrices à mes côtés.

Aurore Auteuil : Que le public ressente pour ces femmes la même admiration et la même tendresse que moi.


Les Monologues du vagin de V(Eve Esler)
Pièce conseillée à partir de 15 ans. 
Studio Marigny
Carré Marigny
75008 Paris
14 et 15 février 2025

Traduction de Coralie Miller et Alexia Perimony
Avec Galia Salimo, Deborah Lukumuena et Aurore Auteuil
Mise en scène d’Aurore Auteuil

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