Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
Un spectacle de rue. Cela devait être dans le sud de la France. Je devais avoir moins de cinq ans. Il y avait un comédien coiffé d’un grand chapeau pointu avec des étoiles dessus, qui racontait une histoire d’objet perdu… Et il expliquait que cet objet se trouvait dans une pièce qui se trouvait dans une maison, qui se trouvait dans un village, qui se trouvait dans un pays, qui se trouvait sur la terre, qui se trouvait dans l’univers… C’est un souvenir extrêmement lointain, mais j’avais été fascinée par cette mise en perspective, un peu à la manière de poupées gigognes…
![Christelle Reboul - Les Collectionnistes © Fabienne Rappeneau](https://www.loeildolivier.fr/wp-content/uploads/2025/02/Les-collectionnistes-F-Rappeneau.jpg)
Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
La rencontre en 6e d’un comédien qui intervenait dans l’atelier théâtre du collège.
Qu’est-ce qui a fait que vous avez choisi d’être comédienne ?
Le film d’Alain Cavalier, Thérèse. J’ai vu ce film à 15 ans. Catherine Mouchet m’a éblouie, j’ai voulu moi aussi être capable de transmettre de telles émotions.
Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?
Le Big Bazar en 6e. Mais je me souviens surtout du Mariage de Figaro en Terminale. J’interprétais Chérubin. Alors que cela n’était pas prévu dans la mise en scène, je me suis avancée jusqu’au bord du plateau, bien au centre, pour déclamer l’amour que mon personnage ressent pour le monde entier : « Enfin, le besoin de dire à quelqu’un je vous aime est devenu pour moi si pressant que je le dis tout seul, en courant dans le parc, à ta maîtresse, à toi, aux arbres, aux nuages, au vent qui les emporte avec mes paroles perdues ». Là, je me suis sentie exister comme jamais. J’ai ressenti des picotements dans tout le corps. Cette sensation intense de vie fut comme une évidence. Là, j’étais bien !
!["Dom Juan - répétitions en cours" Christelle Reboul et Maxim d’Aboville ©Cyrille Valroff](https://www.loeildolivier.fr/wp-content/uploads/2021/10/0C665768-79BC-499A-BAD9-CB11CEFFB73B-1024x683.jpeg)
Votre plus grand coup de cœur scénique ?
La Dame de la Mer d’Ibsen, montée par Claude Baquet aux Bouffes du Nord en 2012. La chanteuse Camille interprétait la dame de la Mer. Elle créait des sons avec l’eau dans laquelle tous les comédiens devaient évoluer. Son chant aquatique était à couper le souffle. La scénographie surréaliste.
Décharges de Frédéric Aspisi au Théâtre du Chaudron. Création, auteur contemporain. J’ai eu l’impression qu’on me faisait rentrer à l’intérieur d’un corps, de l’être, comme si on avait retourné la peau et que tout était visible jusqu’à voir « un petit pied derrière un arbre », celui de l’enfant oublié…
Quelles sont vos plus belles rencontres ?
J’en ai énormément. Et ce sont des rencontres qui durent… Cet auteur, Frédéric Aspisi qui aujourd’hui sillonne l’Afrique en quatre-quatre aménagé et joue un spectacle La Force dans la brousse, à la rencontre des tribus. Maxime d’Aboville, avec qui j’échange énormément sur notre art. Évidemment Christophe Lidon, qui m’a mise en scène déjà quatre fois et qui chaque fois m’amène plus loin. Cyril Guiral, un ami peintre aujourd’hui disparu, avec qui adolescente, j’élaborais des projets artistiques en tous genres. Marie-Christine Barrault, Jean-Daniel Vuillermoz, Jean-Paul Bordes…
En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ?
Impression de reprendre des forces quand je joue. Jouer demande une immense concentration, une discipline. Toute la journée se construit en fonction de la représentation du soir. Comme un squelette. On se préserve dans la journée pour jouer le soir. On a une distance par rapport aux événements.
![Christelle Reboul - La souricière © François Ponty](https://www.loeildolivier.fr/wp-content/uploads/2025/02/La-Souriciere-Francois-Fonty.jpg)
Qu’est-ce qui vous inspire ?
La nature, les balades en forêt ou au bord de la mer. La musique baroque. Les grandes discussions avec mes amis. Aller voir les autres jouer
De quel ordre est votre rapport à la scène ?
Vital, primordial, il donne tout le sens. Sacré.
À quel endroit de votre chair, de votre corps, situez-vous votre désir de faire votre métier ?
Le cuir chevelu !
Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
Catherine Mouchet, Yolande Moreau, Benoît Magimel, Émilie Watson…
À quel projet fou aimeriez-vous participer ?
Le Soulier de Satin de Claudel ou Lulu de Wedekind.
Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
Stabat Mater de Vivaldi ou L’Échange de Claudel.
Propos recueillis par Marie-Céline Nivière
Les Collectionnistes de François Barluet
Théâtre Petit Montparnasse
31 rue de la Gaîté
75014 Paris
Du 15 janvier au 4 mai 2025
Durée 1h20