Splendeurs et misères
© Fabrice Robin

Splendeurs et misères : une adaptation dépolitisante des Illusions perdues de Balzac

Au théâtre du Soleil, à Vincennes, cette jeune troupe pleine d’énergie s’est glissée dans l’univers balzacien : le résultat ne manque pas de rythme — ni d’humour ! —, mais oublie de représenter l’impitoyable cynisme des puissants, dénoncé dans son roman par l’écrivain.

Ces derniers mois, au théâtre, il est devenu difficile de passer à côté des Illusions perdues : le fameux roman de Balzac a été adapté une première fois au théâtre par la metteuse en scène Pauline Bayle, avant d’être monté par le Nouveau Théâtre Populaire, qui en a livré une interprétation aussi géniale que féroce — dont la tonalité, très politique, n’était pas sans rappeler celle de l’excellent long-métrage de Xavier Giannoli.

Splendeurs et Misères d'après les illusions perdues de Balzac © Fabrice Robin
© Fabrice Robin

Cette nouvelle pièce, présentée au Théâtre du Soleil par le metteur en scène Paul Platel, tente donc, timidement, de se faire une place dans cette prestigieuse lignée : lorsque nous retrouvons le jeune Lucien de Rubempré (Gaétan Poubangui), ce dernier se bat avec un valet pour pénétrer le salon de son amante, l’angoumoisine Louise de Bargeton (Marianne Giropoulos). Entre les deux hommes, les insultes fusent. Cette première scène, volontairement burlesque, donne le ton de cette nouvelle adaptation.  

Pour raconter l’ascension puis la chute de ce jeune poète qui rêve de monter à Paris et d’être édité, le metteur en scène Paul Platel fait le choix de la comédie : Louise de Bargeton et sa cousine, la marquise d’Espars, sont ainsi croquées comme de superficielles idiotes tandis que d’autres personnages majeurs du roman, les journalistes Finot (Jason Marcelin-Gabriel, hilarant) et Lousteau (Nicolas Katsiapis), ont des airs de personnages de carnaval. Autant de choix qui laissent la place à beaucoup d’humour (et même de l’improvisation !), et donnent lieu à des scènes savoureuses — comme lorsqu’en lendemain de soirée, Lousteau et Lucien se retrouvent nus et couverts de pinces à linge.

Extrêmement divertissante, cette « saga » Balzac interroge malgré tout : à force de rendre les aristocrates et les corrompus amusants, on finirait presque par les trouver sympathiques. De là à oublier la charge portée par le grand écrivain contre le cynisme et l’opportunisme des classes dirigeantes, il n’y a qu’un pas…


Splendeurs et misères d’après Illusions perdues d’Honoré de Balzac
création le 22 février 2024 au Théâtre de l’Épée de Bois
Théâtre du Soleil
La Cartoucherie
route du Champ de Manœuvre
75012 Paris
du 09 janvier au 02 février 2025

Mise en scène de Paul Platel
Avec Marianne Giropoulos, Nicolas Katsiapis, Willy Maupetit, Gaëtan Poubangui, Jason Marcelin-Gabriel, Laure Sauret

Costumes et scénographie d’Estelle Deniaud
Création lumière d’Ugo Perez Andreotti
Création son de Tom Ouzeau

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