Le style vif, imagé, plein de Délicatesse de David Foenkinos se prête très aisément à la théâtralisation. Sophie Accard et Léonard Prain n’en sont pas à leur premier coup d’essai avec cet auteur. En 2018, ils s’étaient attaqués brillamment au Potentiel érotique de ma femme. Le duo récidive avec la même grâce, avec Numéro deux, l’histoire de celui qui ne fut pas choisi pour incarner au cinéma Harry Potter !
« Une incessante expérimentation de la désillusion »
Une vieille princesse russe, amie de mes parents, m’avait donné en cadeau cette phrase : « Marie, lorsque tu rates un train, ne pleure pas, parce qu’on ne sait jamais ce qu’il y avait dedans ! » Tout au long de son récit, Foenkinos raconte comment Martin Hill a vu Daniel Radcliffe prendre ce train à sa place. Marqué à vif, portant l’échec en bandoulière, Martin va alors chercher sa place dans ce monde et surtout éviter, ce qui est de l’ordre de l’impossible, toute référence à Harry Potter ! Il finira par comprendre que la destination de ce train n’était pas le paradis !
L’adaptation de Léonard Prain est parfaite. Rythmé par le récit du narrateur (Martin en l’occurrence) l’histoire évolue dans un tourbillon. Avec sa tête d’Harry Potter, cheveux hirsutes et lunettes rondes, Axel Auriant est impressionnant. Découvert dans Une vie sur mesure de Cédric Chapuis, Saint-Exupéry, le mystère de l’aviateur de Flavie Péan et Arthur Junot et Time Square de Clément Koch, ce feu follet agile et rapide donne à ce « perdant » de subtiles nuances.
Une comédie rondement menée
Dans le roman de Foenkinos, il y a du monde : d’un côté, il y a l’entourage de Martin, les parents, le beau-père maltraitant, l’ami, la fiancée qui le sauvera, etc. De l’autre, l’histoire de J.K. Rowling et son succès planétaire ! Valentine Revel-Mouroz, Pierre Bénézit et Serge Da Silva font remarquablement défiler cette galerie de personnages, les nourrissant de sentiments et d’enjeux.
À l’instar de son précédent spectacle, Vole Eddie, Vole, la mise en scène de Sophie Accard est une merveille. La jeune femme possède la fantaisie et la poésie nécessaire pour créer une atmosphère et du rythme. S’appuyant sur la très belle et ingénieuse scénographie de Blandine Vieillot, les costumes d’Atossa et les lumières de Simon Cornevain, elle enchaîne les tableaux. Comme c’est assez cocasse pour être souligné, des petits clins d’œil à l’œuvre de J.K. Rowling sont semés. À vous de jouer !
Marie-Céline Nivière
Numéro deux, d’après le roman de David Foenkinos (édition Gallimard)
Théâtre Tristan Bernard
64 rue du Rocher
75008 Paris.
Du 18 janvier au 29 mars 2025
Durée 1h30.
Adaptation de Léonard Prain.
Mise en scène de Sophie Accard.
Avec Axel Auriant, Pierre Bénézit, Serge Da Silva, Valentine Revel-Mouroz.
Musique de Cascadeur.
Scénographie de Blandine Vieillot
Lumière de Simon Cornevain.
Costumes d’Atossa.