Pour celle qui fut l’une des figures de proue du Nouveau Roman, L’usage de la parole est au centre de son écriture. Les personnages, l’action et l’intrigue en deviennent presque secondaires. Dans sa pièce, Pour un oui ou pour un non, elle a choisi de confronter une vieille histoire d’amitié à une phrase : « C’est bien ça ! » – avec l’intonation condescendante dont celle-ci aurait été prononcée.
« Avoir un bon copain, voilà c’qu’il y a d’meilleur au monde »
La patine du temps et surtout la mise en scène de Sylvain Maurice font que les échanges entre H1 et H2 ne sont plus une joute cérébrale, mais bien une analyse pleine d’humour et de finesse sur une rupture. Finalement, le sujet principal est l’histoire d’une amitié née dans la jeunesse des protagonistes qui, au fil du temps, s’est modifiée.
Chacun à emprunter sa propre route pour traverser son existence. Ici, l’un est devenu un homme respectable, a une famille et un bon travail qui lui permet de voyager… L’autre est plutôt un « poète », célibataire, un brin misanthrope. Leurs routes auraient dû se séparer au fil du temps et pourtant elles n’ont eu de cesse de se croiser grâce à cette amitié. « Parce que c’était Lui, parce que c’était Moi », comme l’a si bien défini La Boétie. Cependant, un jour, cela dérape.
Une grande justesse
H1 veut comprendre pourquoi H2 est devenu distant. Il l’implore de lui donner une explication. Il lui demande d’être franc. Car entre amis, on peut tout se dire et tout comprendre. Rien de moins sûr. H2 va donc, tant bien que mal, essayer de mettre des mots sur son ressentiment. Et ça dérape encore plus. « Voilà ce que c’est que de se lancer dans ces explications… On parle à tort et à travers… On se met à dire plus qu’on ne pense… » En réalité, H2 demande à H1 de cesser de vouloir qu’il le rejoigne dans son monde à lui et qu’il le prenne tel qu’il est.
C’est une partie de tennis où les mots, tels des balles, sifflent et se renvoient. Sur le terrain, deux artistes de haut niveau font vibrer ce match. Christophe Brault est H1, c’est-à-dire Björn Borg. Ce brillant comédien, qui a été un magnifique Cyrano dans la mise en scène de Gilles Bouillon, sait lober et lifter ! Scali Delpeyrat est H2. Lui, c’est John McEnroe. Comédien hors pair, il fait tournoyer les tourments de son personnage avec une dextérité impressionnante. Dans le rôle de la voisine à qui les deux hommes demandent un arbitrage sincère, Élodie Gandy est impeccable. Plaçant l’action dans un décor vintage, utilisant tout l’espace scénique du plateau et de la salle, Sylvain Maurice fait de ce jeu, un set gagnant.
Marie-Céline Nivière
Pour un oui pour un non de Nathalie Sarraute
Lucernaire
53 rue Notre-Dame-des-Champs
75006 Paris
Du 22 janvier au 16 mars 2025
Durée 1h
Mise en scène et scénographie de Sylvain Maurice
Avec Christophe Brault, Scali Delpeyrat et Élodie Gandy
Lumières de Rodolphe Martin
Son de Jean De Almeida
Costumes d’Amélie Hagnerel
