Avec ses Petites Bêtes, Delphine Théodore rejoint ses sœurs de plateaux comme Pauline Bureau (Neige), Les Filles de Simone (C’est un peu compliqué d’être l’origine du monde), Lisa Guez (Les femmes de Barbe Bleue), Elsa Granat (Nora, Nora, Nora ! De l’influence des épouses sur les chefs-d’œuvres)…, pour faire entendre ce qui nous fait femme.
Une histoire sans fin
Si l’autrice avoue porter depuis longtemps ce spectacle, de nombreuses spectatrices en rêvaient depuis longtemps. On ne peut pas dire que les liens entre mère et fille soient aisés tant les premières savent transmettre, par des petites phrases, des attitudes, leurs névroses, leurs peurs ou leurs angoisses.
Ces petites bêtes qui rongent le cerveau, qui leur ont été communiquées par leurs mères, qui les ont reçues de la leur, etc. Ce sont ces fameuses valises, qui sont bien présentes dans le spectacle, dont on hérite sans toujours savoir comment les ouvrir et les vider sans remplir les poches des psys.
Une métaphore réjouissante
C’est l’histoire d’une petite fille (extraordinaire Louise Legendre) qui vient rendre visite à sa grand-mère chérie (épatante Claire Aveline). Ce jour-là, l’ancêtre est obsédée par sa fin de vie prochaine et sa peur d’être dévorée par les vers. La petite fille se veut rassurante, car le concept de la mort est encore abstrait pour elle. Et puis sa mère est médecin (formidable Amandine Dewasmes), elle va la soigner. Celle-ci arrive et subit des reproches infantilisants. La petite fille remarque alors que sa mère redevient à son tour une petite fille dès qu’elle approche sa grand-mère !
Elle a compris : « Tant que les filles sont aux yeux de leur maman de toutes petites, toutes petites filles, les mamans restent de grandes et de robustes mamans. Oui, c’est ça ! Pour que les mamans restent toujours de grandes et de fortes mamans, leurs filles doivent rester à leurs yeux de toutes petites, toutes petites filles. » Mais, une petite tache rouge s’est posée sur sa culotte, la grand-mère est morte et le loup rôde dans les bois…
Un texte fort
En choisissant de tout montrer par le regard de la petite fille, Delphine Theodore offre un prisme vertigineux ! Elle tend un miroir qui reflète si bien des sentiments vécus. Les secrets de famille, les maladresses affectives, l’adolescence, l’appréhension de la mort, la violence, la culpabilité, mais aussi l’amour.
L’homme est le grand absent dans cette famille et ce n’est pas fortuit. Cela en dit long ! Il est présent en voix off, douce et envoûtante. Il y a celle de Mathieu Amalric, le conteur et celle de Yannick Choirat le loup, représenté par une marionnette, œuvre de Sébastien Puech.
Une mise en scène féerique
Delphine Théodore déploie son histoire dans un style remarquable. Visuellement, avec ce grand lit, cette forêt impressionnante, ces clairs-obscurs (lumières de Pascal Noël), cette neige qui tombe, ces grands vides, l’esthétisme de la scénographie de James Brandily est brillant. Tout comme le sont les costumes de Siegrid Petit-Imbert. Dirigées avec adresse, les trois comédiennes y déploient tout leur talent pour faire entendre les maux de ces femmes cabossées et les mots d’une autrice qui a tout d’une grande. Bravo.
Marie-Céline Nivière
Les Petites Bêtes, texte et mise en scène de Delphine Théodore
Théâtre 13 / Bibliothèque
30 rue du Chevaleret
75013 Paris
Du 8 au 24 janvier 2025
Durée 1h40
Avec Louise Legendre, Amandine Dewasmes, Claire Aveline
et les voix enregistrées de Mathieu Amalric et Yannick Choirat
Marionnettiste et régie plateau – Géraldine Zanlonghi
Marionnettiste – Delphine Théodore
Dramaturgie de Valérie Théodore
Collaboration artistique Sandra Choquet
Scénographie de James Brandily
Lumière de Pascal Noël
Création son de Lucas Lelièvre
Costumes de Siegrid Petit-Imbert
Création marionnettes de Sébastien Puech
Chorégraphie de Rémi Boissy