Que se cache-t-il derrière la célèbre enseigne suédoise bleu et jaune ? Le néant ou presque. Des vies banales à pleurer, des employés au bord de l’asphyxie en quête d’un peu d’air frais, d’oxygène et de piment. Plongeant dans le quotidien de ces hommes et de ces femmes invisibles, ces vendeurs et vendeuses dont le quotidien est entièrement dirigé par des notes, des fiches, Maïanne Barthès imagine une succession de saynètes toutes plus absurdes les unes que les autres, mais qui finissent, mises bout-à-bout faire récit.
Il y a tout d’abord cette fille blonde et son jeune collègue, fraichement arrivés dans l’équipe, qui s’amusent à recréer, sans jamais vraiment y arriver, une vie de couple au bord de la rupture. Puis arrive le reste de la petite troupe, un grand maigre, totalement dépressif, une gentille idiote, complètement à côté de ses pompes, un frustré qui libère angoisse et colère en faisant du kung-fu et une salariée modèle à la vie ratatinée. Tout ce petit monde ne va clairement pas bien, mais vit tant bien que mal dans l’espace clos du magasin où rien ne se dépasse, ni les objets, ni les existences. Pour que tout roule, tout doit rester dans le cadre fixe d’une productivité dans laquelle l’humain et les états d’âme n’ont pas leur place.
Des schémas de vie qui collent à la peau
Enfermées dans des schémas et des carcans, tous plus kafkaïens et surréalistes, les vies se délitent et partent en vrille. La mélancolie et la folie s’invitent au plateau. Tout déraille proprement, gentiment, il ne faudrait pas déranger l’ordre établi tellement ancré dans leur esprit formaté. Avec une certaine malice et beaucoup d’humour, Maïanne Barthès détourne les images figées des catalogues et celles trop belles des magazines déco pour dépeindre une autre réalité, celle d’un monde en perdition. Loin du bien-être vendu dans ces décors de carton-pâte, elle met en lumière dans un enchaînement d’anecdotes et de paroles furtivement échangées le malaise de nos sociétés contemporaines trop bien rangées.
À l’instar de Si tu t’appelles mélancolie de Joe Dassin dont quelques tubes bien sentis ponctuent le spectacle, l’autrice et metteuse en scène embarque le public dans une folle ribambelle d’instants suspendus qui racontent tous la même chose, la solitude qui habite chacun des personnages. Si la forme semble s’essouffler, c’est dans le jeu décalé et ubuesque des comédiens, tous excellents, que se trouve la sève de cet impromptu savoureux et éminemment satirique !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Mélancolikea. Comment meubler sa peine. de Maïanne Barthès
spectacle créé le 12 novembre 2024 à La comédie de Saint-Étienne
Les Plateaux Sauvages
5 rue des Plâtrières
75020 Paris
du 7 au 11 janvier 2025
durée 1h40
Tournée
du 9 au 20 avril 2025 aux Célestins, Théâtre de Lyon
Mise en scène de Maïanne Barthès
Avec Odile Ernoult, Cécile Maidon, Slimane Majdi, Guillaume Mittonneau, Baptiste Relat et Cécilia Steiner
Collaboration artistique – Estelle Olivier
Scénographie de Camille Allain-Dulondel
Costumes de Françoise Léger
Création sonore de Clément Rousseaux
Création lumière d’Aurélien Guettard
Régie générale – Nicolas Hénault
Musique d’Alain Féral
Construction des décors dans l’Atelier de La Comédie de Saint-Étienne