Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
C’est un spectacle du mime Marceau que mes parents m’avaient emmené voir à l’Agora d’Évry. Je devais avoir 5 ou 6 ans et je me souviens encore du charme, de la délicatesse, de la poésie merveilleuse de ce moment.
Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
C’est adolescent, les copains ! Nous habitions dans une ville moyenne de province, il n’y avait pas mille choses à faire. Avec Franck, on avait un groupe de punk/rock/coldwawe, mais il y avait aussi Jean-Christophe avec qui l’on faisait du rugby. Ce dernier faisait aussi du théâtre au conservatoire municipal et il m’a convaincu de le rejoindre ! Et c’est aussi, surtout, une professeure de français en seconde qui m’a dit en plein cours : « Benoît, vous devriez faire du théâtre ! » J’étais un élève obéissant, j’ai suivi son conseil ! Le plus drôle, c’est que je l’ai recroisée de nombreuses fois par la suite, car elle était devenue conseillère théâtre au ministère de la Culture : Marie Moreau-Descoings ! La vie parfois !
Qu’est-ce qui a fait que vous avez choisi d’être comédien ?
L’ai-je vraiment choisi ? ! Quand je suis arrivé à Paris à 18 ans, bac scientifique en poche, je voulais être chef opérateur. Je me suis inscrit au concours de l’école Louis Lumière, mais le matin de ce fameux concours, impossible de retrouver ma calculatrice ! J’ai cherché partout, elle avait disparu (et je ne l’ai jamais retrouvée !). Autant dire que ce n’était même pas la peine de se présenter à l’examen ! Acte manqué ? Coup du destin ? J’étais tellement dégoûté que deux mois après, je m’inscrivais à l’École Claude Mathieu et un an plus tard à l’École Pierre Debauche qu’il venait tout juste d’ouvrir à Paris.
Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?
Le premier spectacle que j’ai joué, j’avais 16 ans. C’était au théâtre municipal de Saint-Quentin dans l’Aisne, 600 places… Le théâtre était comble. Je jouais dans Les jours heureux de Claude-André Pujet mis en scène par Micheline Sénéchal-Macabies, ma professeure au conservatoire municipal. J’en garde un souvenir ébloui et d’une grande joie, passé le trouble de voir autant d’yeux braqués sur moi ! Dans ce théâtre, j’ai également joué Christian de Neuvillette dans Cyrano de Bergerac. Sacré souvenir aussi !
Et puis professionnellement, mon premier spectacle a été La maison d’os de Roland Dubillard mis en scène par Éric Vigner, que l’on a créé en 1991 à Issy-les-Moulineaux, puis joué au Festival d’automne à Paros sous la Grande Arche de la Défense. Spectacle fondateur où j’ai rencontré tellement d’ami.e.s avec qui j’ai travaillé par la suite. D’ailleurs, avec certains, nous avons créé une compagnie de théâtre de rue. Ce sont des souvenirs très heureux, car des souvenirs de groupe, d’ensemble, d’équipe. Pour moi le théâtre est vraiment unique pour ça : un art du faire ensemble et d’être ensemble.
Votre plus grand coup de cœur scénique ?
Oh la la ! Il y en a tellement ! Mais bon… S’il y a un spectacle qui m’a absolument donné envie de continuer à faire du théâtre, et même à en faire professionnellement, et donc en quelque sorte qui a décidé de ma vie ! C’est Le Soulier de satin de Paul Claudel, mis en scène par Antoine Vitez. 1987, j’arrive à Paris, j’échoue à ce concours, je suis triste et je vois ce spectacle fleuve. Cette intelligence du plateau et cette équipe d’actrices et d’acteurs juste incroyable… C’était magique… Totalement !
De ce fait, j’ai eu envie de vivre ça moi aussi ! Ce qui est merveilleux, c’est que quelques années plus tard, j’ai joué avec des comédiennes et des comédiens qui étaient dans ce spectacle : Anne Benoit, Élisabeth Catroux, Pierre Vial… Mais il y a aussi les spectacles de Royal de Luxe, de Generik Vapeur avec qui j’ai travaillé quelque temps… Et tellement d’autres de cultures différentes qui ont été source d’inspiration.
Quelles sont vos plus belles rencontres ?
Mes plus belles rencontres de travail ? ! Mon parcours est jalonné de rencontres extraordinaires et de fidélités de travail… Mes ami.e.s avec qui j’ai fondé Éclat Immédiat et Durable, une compagnie de théâtre de rue avec qui nous avons parcouru la France et l’Europe… Et puis Bérangère Bonvoisin, Philippe Clévenot, Patrick Haggiag, Jacqueline Corpateaux, Laurent Vacher, Matthew Jocelyn, Hélène Mathon et Élisabeth Bouchaud… Entre autres !
En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ?
La liberté ! La liberté qu’offre ce métier… La possibilité des rencontres et de la découverte… Apprendre, apprendre tous les jours un peu plus et le partager avec d’autres ! Mais en fait, c’est plus que tout ça, car la passion déborde les frontières du métier !
Qu’est-ce qui vous inspire ?
Tant de choses ! Mais principalement les auteurs bien sûr ! Et puis une feuille d’arbre, un nuage qui passe, une personne croisée dans la rue… Et sans aucun doute, tout ce qu’il y a d’autre et de nouveau, l’inédit qui renouvelle et attise curiosité et appétit.
De quel ordre est votre rapport à la scène ?
Un rapport de joie, de bonheur et d’envie. Oui d’envie d’y être, d’être là, sur les planches, de chercher, de répéter et de rencontrer le public. D’être ensemble spectateurs, acteurs, régisseurs, réunis dans l’immédiat et le présent… Partager l’absolu présent ! C’est tellement magique et magnifique !
À quel endroit de votre chair, de votre corps, situez-vous votre désir de faire votre métier ?
Ça infuse et ça diffuse ! C’est un peu partout ! Mais je pense que c’est dans l’espace de la rencontre que cela se situe le plus : rencontre d’un auteur, d’un poème, des mots, d’un metteur ou d’une metteuse en scène, des partenaires, d’une équipe. Accueillir l’altérité de leurs pensées, de leurs visions et de leurs désirs. Accueillir l’autre, le personnage (quand il y en a !) en soi, son rapport au monde, vivre en sa vie…
Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
Nous avons avec Élisabeth Bouchaud un projet de mise en scène ensemble pour la saison prochaine et je vous avoue que cela me comble de bonheur et d’envies ! C’est une pièce qu’Élisabeth a écrite en adaptant le roman éponyme de Jacques Attali : Le livre de raison. Hâte que nous nous mettions au travail ! Et puis, je suis très touché par les spectacles de Julien Gosselin et David Geselson… Alors je ne dirai pas non s’ils me proposaient de venir travailler avec eux !
À quel projet fou aimeriez-vous participer ?
Le projet le plus fou est celui auquel on n’a pas encore songé ou rêvé ! Celui qui va nous surprendre au moment le plus inattendu ! C’est quand il veut !
Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
Ce serait une fleur géante de Yayoi Kusuma ! Comme Fleur d’illusion, une sculpture de quatre tulipes géantes installée à l’entrée du musée qui lui est consacré à Mastumoto (Japon).
Propos recueillis par Marie-Céline Nivière
Exil Intérieur d’Elisabeth Bouchaud
Théâtre de la Reine Blanche
2 bis passage Ruelle
75018 Paris
Reprise du 22 novembre au 22 décembre 2024
Durée 1h25
Prix No’Bell d’Élisabeth Bouchaud
Théâtre de la Reine Blanche
2 bis passage Ruelle
75018 Paris
Reprise du 19 novembre au 19 décembre 2024
Durée 1h15