Des silhouettes noires, étranges, sillonnent la salle. Entre le bidibulle et le pingouin qui aurait perdu sa tâche blanche, ces singulières créatures ont des faux airs de Shadocks. Leur démarche un peu gauche amuse la galerie. Ce n’est que le début d’une plongée vertigineuse dans le fol univers de Martin Zimmermann. Artiste pluriel par excellence, il déploie une écriture qui hybride tous les domaines de l’art vivant. Circassien sur les bords, il invite ses quatre interprètes à partager le plateau et à lâcher prise avec le réel pour mieux le réinventer.
Simagrées, pantomimes, gestes désordonnés voire totalement anarchiques, petits cris, chants, Bérengère Bodin, Marianna de Sanctis, Rosalba Torres Guerrero et Methinee Wongtrakoon transforment la scène en un espace de jeu géant. Espiègles, débridées, délurées, elles repoussent les carcans que la société impose à leur sexe. Sujets d’études autant qu’êtres libérés de toutes contraintes, elles apparaissent aussi vite qu’elles ne disparaissent derrière une porte ou un prendrillon noir. S’amusant de l’espace imaginé par Simeon Meier et Martin Zimmermann, elles en testent les limites avec humour et autodérision.
Toutes Louise
Mais qui sont-elles, ces femmes hors normes et inclassables ? « Elles sont toutes Louise. » Louise Michel, Louise Bourgeois, Louise Brooks, Louise Labé, un peu de ces artistes, de ces poétesses, de ces féministes, de ces militantes qui ont rendu le prénom célèbre, mais aussi de ces anonymes qui agissent dans l’ombre. Furieuses, déchainées, autoritaires, douces, jamais insipides, elles secouent le monde et expérimentent de nouvelles voies, de nouveaux paradigmes.
Sans homme pour imposer ses lois, elles font du plateau un laboratoire tant social qu’artistique. Ça part dans tous les sens, ça fait feu de tout bois, mais attention derrière ce joyeux bordel organisé, le sens fait jour. Mettant à bas les normes, se rebellant contre un ordre établi dont elles n’ont cure, elles s’affirment humaines, démentielles, hystériques et intensément vivantes.
S’appuyant sur le talent extraordinaire de ses interprètes, qu’elles soient danseuses, circassiennes ou artistes de cabaret, Martin Zimmermann ose tout, même un improbable chaos. Rien ne semble arrêter son imagination délirante. Brocarder les paroles sexistes de Ma Benz de NTM, parodier avec une certaine tendresse Con te partirò d’Andrea Bocelli ou tout simplement imaginer un monde de clones clownesques, il va sur tous les terrains et fait mouche. Ode à la liberté totale, Louise est à la fois foutraque, follement hypnotique et
assurément déroutant. Une performance totale, un feu d’artifice scénique. Fascinant !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Zurich
Louise de Martin Zimmermann
Schauspielhaus Zürich – Schiffbauhalle
Schiffbaustrasse 4
CH-8005 Zürich
du 30 novembre au 15 décembre 2024
Durée : 1h15
Tournée
30 au 31 janvier 2025 au Grand théâtre d’Aix-en-Provence, Les théâtres
28 au 29 mars 2025 au Theater Chur, Suisse
1er au 2 mai à l’Usine à Gaz, Nyon, Suisse
7 au 8 mai 2025 au Casino Theater Zug, Suisse
du 13 au 24 mai 2025 au Théâtre du Rond-Point, Paris
Conception, mise en scène, chorégraphie de Martin Zimmermann
Créé avec et interprété par Bérengère Bodin, Marianna de Sanctis, Rosalba Torres Guerrero & Methinee Wongtrakoon
Création musicale de Tobias Preisig
Dramaturgie de Sabine Geistlich
Scénographie :de Simeon Meier & Martin Zimmermann
Collaboration artistique et chorégraphique – Romain Guion
Création costumes de Susanne Boner, Création lumière de Ueli Kappeler, Création son d’Andy Neresheimer, Création régie plateau de Doris Berger
Construction décor – Schauspielhaus Zürich, Metallkonstruktiv Zürich
Confection costumes et mannequins – Schauspielhaus Zürich, Susanne Boner
Motorisation – Markus Binder
Assistant plateau- Noah Geistlich
Equipe technique – Doris Berger, Franck Bourgoin, Jérôme Bueche, Ueli Kappeler, Lea Meierhofer, Andy Neresheimer, Jan Olieslagers