Salle comble, Hofesh Shechter attire un public de plus en plus nombreux. Une écriture survoltée oscillant entre rave party sous acide et transe collective, une troupe virtuose et une musique enivrante et entêtante qu’il compose lui-même sont ses secrets de fabrication. Passé par la Batsheva Dance company, il a gardé le goût des grandes formes qui font mouche à tous les coups. Sa nouvelle création, Theatre of dreams, ne déroge pas à la règle. Treize interprètes et trois musiciens donnent vie à nos rêves les plus secrets, les plus fous et les plus macabres.
Alors que la salle plonge dans le noir, une silhouette se dessine côté cour. Telle une version masculine d’Alice au pays des merveilles, l’homme cherche à rattraper ses rêves. Il se glisse dans l’interstice qui apparait entre les deux immenses rideaux noirs qui cachent le reste du plateau. C’est le début d’une descente tant au paradis qu’aux enfers. Grâce à un jeu de pendrillons de scène, qui s’ouvrent et se ferment à la vitesse de l’éclair, le chorégraphe présente une succession de saynètes toute plus étranges et surréalistes les unes que les autres.
Du pur Shechter
Réglée comme du papier à musique, la partition de Shechter passe de la danse lascive à la course effrénée, de l’orgie quasi sanguinaire à une zombiesque party. En plongeant dans les méandres de nos inconscients, le chorégraphe offre une vision kaléidoscopique de nos fantasmes les plus inavoués. Mais à trop fragmenter sa fresque, il ne fait qu’esquisser des mouvements sans aller jusqu’à l’accomplissement et coupe ainsi la dynamique de ce show sur-vitaminé,
Il en va de même quand il invite à mi-parcours le public à se joindre à la transe sur un morceau de bossa-nova. L’effet retombe aussi vite qu’il a été lancé, laissant les spectateurs tiraillés entre excitation et abattement. Les musiciens au plateau redonnent l’élan pour que reparte la folle farandole. Soufflant en permanence le chaud et le froid, le chorégraphe sait y faire pour attraper un parterre conquis. Son final est un feu d’artifice démentiel qui emporte tout sur son passage. La salle et la scène sont exsangues. Les treize danseurs et danseuses ont mérité applaudissements nourris et saluts qui se font debout. Shechter a fait du Shechter. Si on peut regretter quelques facilités et le côté hachuré de la prestation, cette pièce est diablement efficace.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Lyon
Theatre of Dreams d’Hofesh Shechter
spectacle créé le 27 juin 2024 au Théâtre de la Ville-Sarah Bernhardt
Tournée
27 novembre au 5 décembre 2024 à La Maison de la danse de Lyon
Chorégraphie et musique Hofesh Shechter
Création lumière de Tom Visser
Création de costumes Osnat
Pièce de la Hofesh Shechter Company avec Tristan Carter, Robinson Cassarino, Frédéric Despierre, Rachel Fallon, Cristel de Frankrijker, Mickaël Frappat, Natalia Gabrielczyk, Zakarius Harry, Alex Haskins, Yeji Kim, Keanah FaithSimin, Juliette Valerio et Chanel Vyent, Yaron Engler, Sablo Janiak et Alex Paton