L’art clownesque offre une large et belle palette pour aborder les choses de la vie. Comme pour le cirque, cet art ancestral s’est détaché de la tradition pour aller vers le contemporain. Un des grands noms du renouveau était Alain Mollot et son théâtre de la Jacquerie implanté au théâtre Romain Rolland à Villejuif qui co-produit Le beau temps de la Cie Marée Basse.
Il était une fois entre terre et mer
Cécile Feuillet a fait partie de la troupe permanente du Théâtre Olympia – CDN de Tours, où nous l’avions découverte dans Grammaire des mammifères et La vie dure. Lors du confinement, la comédienne est allée se ressourcer à Marennes-Oléron, paradis de la fine de claire ! Elle a récolté auprès d’ostréiculteurs leurs témoignages sur leur vie et leur travail. Cette matière première a servi de base aux artistes pour improviser des scènes. Ces petites perles enfilées adroitement racontent l’histoire d’une famille d’ostréiculteurs visitée par une « extraterrestre » descendue sur terre pour comprendre les huîtres !
Une jeune femme débarque l’air un peu égaré, portant tout un attirail bizarroïde. Elle a tout d’une scientifique. Son premier discours porte sur l’apesanteur et la gravité. Mais quand elle aborde le thème de l’huître, on sent que quelque chose cloche chez elle ! Émilie Baba est parfaite dans ce personnage lunaire et solaire. Puis, elle part à la recherche de quelque chose, s’égare et tombe littéralement du plafond pour s’écraser à terre au beau milieu d’un parc à huîtres, dérangeant à peine les gens qui s’y affairent.
Quelle famille !
Il y a le père dépassé (touchant Logann Antuofermo), la mère courageuse (épatante Mathilde Weil), le grand-père à la prostate capricieuse (impayable Charlie Nelson), la gamine rêvant de liberté (pétillante Jade Labeste) et l’employée fidèle (émouvante Alice Rahimi). Ils s’affairent dans ce cycle ininterrompu des marées, de la maturation et de l’élevage. Car oui, chers dévoreurs d’huîtres, celles-ci sont élevées avec amour durant des années avant d’arriver dans vos assiettes !
À travers le portrait de ces gens courageux et obstinés, Cécile Feuillet trace presque un documentaire sur le monde de l’ostréiculture. En y incorporant ce personnage tombé du ciel, qu’ils appellent « La sourdine », car fermée comme une huître, et en choisissant l’art clownesque et burlesque, elle y apporte une dimension poétique et fictionnelle.
Une scénographie admirable
Les membres de la famille portent tous un nez de clown, mais il n’est pas rouge mais en forme de coquille d’huître ! Regardez-les bien, car chacun fait partie intégrante du caractère de celui qui le porte. Rien n’est également laissé au hasard dans les costumes, œuvres de Linda Bocquel. Le décor de Diane Mottis et Julien Puginier est de toute beauté. Le sol détrempé avec ses flaques d’eau fait songer à la plage. Trois structures métalliques rouillées se transforment devenant tracteur, chaland, abris, jetée, table de travail ou à manger. Les magnifiques lumières de Claire Eloy et l’ambiance sonore de Marion Cros nous plongent dans ce bord de mer où contre vents et marrées des êtres fragilisés par l’usure tentent de ne pas sombrer !
Marie-Céline Nivière
Le beau temps ou chroniques ostréicoles, conception et mise en scène de Cécile Feuillet
Spectacle crée le 5 novembre 2024 au Théâtre Romain Rolland, Villejuif
Théâtre de la Cité Internationale
Du 18 au 30 novembre 2024
Durée 1h30
Collaboration artistique de Pauline Marey-Semper
Avec Logann Antuofermo, Émilie Baba, Jade Labeste, Charlie Nelson, Alice Rahimi et Mathilde Weil
Scénographie de Diane Mottis et Julien Puginier
Lumière de Claire Eloy
Création sonore de Marion Cros
Costumes de Linda Bocquel