À peine vêtue d’un manteau à poils blancs et paillettes, la maîtresse de cérémonie invite à un cabaret, un peu spécial, dont l’attraction est le grand héros grec, Hercule. Quand l’histoire commence, sa renommée le précède déjà. Il a vaincu le lion de Némée, l’hydre de Lerne, le minotaure de Crète et le Sanglier d’Érymanthe. Mais voilà, la renommée ne nourrit pas. Déjanire, sa compagne, aimerait bien mettre du beurre dans les épinards. La proposition d’Augias, de nettoyer ses écuries et son pays de tout le purin dont il regorge contre quelques pécules, est clairement une sacrée aubaine !
Parti pour l’Égide, le colosse fatigué ne s’attendait pas à être empêché dans ses exploits par des blocages administratifs et des commissions parlementaires à n’en plus finir. Dans cette farce mordante, Friedrich Dürrenmatt brocarde avec habileté nos démocraties embourbées dans une bureaucratie kafkaïenne incapables de prendre des décisions. Toute ressemblance avec le système politique suisse est évidemment fortuite…
Satire bureaucratique
En s’emparant de la version radiophonique de la pièce et en confiant à l’éblouissantecomédienne Lisa Veyrier le soin de lui donner vie, Giulia Rumasuglia touche droit dans le mille. À l’heure où les mesures pour réduire l’impact de l’homme sur la nature sont au point mort, les mots de l’auteur allemand résonnent étrangement avec l’actualité. Le texte n’a rien perdu de sa force corrosive et de son acuité.
Si dans cette fable noire le purin rend irrespirable l’air de l’Égide, bien d’autres déchets accentuent aujourd’hui le réchauffement climatique. Tout comme dans cet état fantôche, les démocraties du monde entier ne parviennent pas à faire des choix drastiques au nom du patrimoine, de la douceur de vivre et d’autres fredaines toutes plus ubuesques les unes que les autres. Avec presque rien, une grande caisse de bois, un tourniquet et des cloches de vaches, la metteuse en scène donne à entendre au temps présent cette satire politique et sociale. On peut regretter une fin quelque peu précipitée et prompte à se perdre dans les méandres insondables d’une ronde bureaucratique. Toutefois, l’essentiel est là. L’artiste, dont c’est la deuxième mise en scène, est clairement à suivre !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Lausanne
Hercule d’après Hercule et les écuries d’Augias de Friedrich Dürrenmatt
Salle 76, La Passerelle
Théâtre de Vidy-Lausanne
Emile-Henri Jaques-Dalcroze 5
CH-1007 Lausanne
Du 6 au 23 novembre 2024
Durée : 45 min
Tournée
23 au 25 mars 2025 à La Comédie de Genève, Suisse
Adaptation et mise en scène de Giulia Rumasuglia
Avec Lisa Veyrier
Traduction de Camille Logoz
Scénographie d’Antonie Oberson
Dramaturgie et regard extérieur de Manon Krüttli
Création sonore d’Ariel Garcia
Costumes d’Anna Van Brée
Maquillage et coiffure de Julie Monot
Lumière de Jean-Luc Mutrux
Voix des chœurs – Louis Bonard & Antoine Läng
Enregistrement des chœurs – Marcin de Morsier
Régie son – Marc Pieussergues, Régie plateau – Ewan Guichard
Atelier costumes – Sarah Bruchet & Machteld Vis