Isabella Rosselini et Muriel Mayette-Holtz © DR
Isabella Rosselini et Muriel Mayette-Holtz © DR

Isabella Rossellini et Muriel Mayette-Holtz : une rencontre théâtrale complice

Créé à Nice à l’occasion de l’inauguration de la nouvelle salle des Franciscains en avril 2022, Le sourire de Darwin reprend le chemin des théâtres. D’Antibes à Paris, l’actrice italo-américaine, sous le regard amical de la metteuse en scène Muriel Mayette-Holtz, parle avec gourmandise de son métier et de sa passion pour les animaux.

Isabella Rossellini : Quand j’ai écrit, avec la complicité de Jean-Claude Carrière, mon premier monologue Bestiaire d’amour, je n’arrivais pas à retenir les phrases, les formules, les mots. Le français n’étant pas ma langue, je réinventais tous les soirs le texte. C’était d’autant plus dommage que la plume de Jean-Claude était très belle. Mon producteur, Olivier Gluzman, m’a présenté Muriel. Grâce à elle, tout est devenu plus simple. Elle m’a donné confiance en moi, a inventé des clowneries à rajouter au texte pour le rendre plus vivant et plus drôle. En trois jours, nous avons travaillé la mise en scène et c’était réglé. Depuis, nous sommes devenues amies et cela nous a donné envie de poursuivre l’aventure et d’imaginer de nouveaux projets ensemble.

Muriel Mayette-Holtz : C’est ce qui s’appelle un coup de foudre amical. Ça a été très fort tout de suite. Pour l’anecdote, quand nous avons travaillé ensemble ce premier texte, une jeune femme merveilleuse aidait Isabella à répéter en Français. Elle s’appelait Amour. C’était un signe. Depuis cette première aventure, nous sommes devenues très amies.

Le Sourire de Darwin, mise en scène de Murielle Mayette-Holtz © Virginie Lançon
Le Sourire de Darwin d’Isabella Rosselini, mise en scène de Murielle Mayette-Holtz© Virginie Lançon

Isabella Rossellini : J’ai toujours aimé les animaux. Et puis, avec le temps, j’ai vieilli, mon travail en tant que mannequin n’était plus aussi important. J’ai souhaité approfondir ma connaissance sur le sujet. Je suis rentrée à l’Université et me suis inscrite en master d’éthologie. Apprendre comment les animaux communiquent entre eux, étudier leur langage, m’a passionné. Cela m’a donné envie de faire des petits films courts, d’à peine deux minutes, d’écrire des petites histoires. J’en ai réalisé une quarantaine.

Et Carole Bouquet m’a dit que je devrais partir de ces récits pour écrire un monologue. Je lui ai répondu que je ne savais pas le faire. Aussitôt, elle m’a mise en contact avec Jean-Claude Carrière. C’est ainsi que cette aventure théâtrale a commencé. Depuis, j’en ai écrit trois. Pour le second Link Link, Muriel était en poste à Rome, à la Villa Médicis. Elle m’a proposé d’y faire une résidence d’écriture et m’a encouragée à écrire sans l’aide d’un auteur.

Elle n’a cessé de me répéter que j’étais suffisamment bonne pour cela. Je lui ai fait confiance et je me suis lancée. Pour le dernier, Le sourire de Darwin (en 2020), le Musée d’Orsay a organisé une exposition passionnante sur Comment la théorie de l’évolution de Darwin avait influencé l’art. Avec par exemple King Kong, cet immense gorille, mi-humain mi-monstre, qui montre une sorte de lien, une continuité entre nous et les animaux. Cela pose tant de questions sur la nature humaine et toutes ses facettes. À cette occasion, il m’a été offert l’opportunité d’imaginer une conférence amusante de 45 minutes sur cette thématique. Muriel est venue la voir, l’idée d’un troisième monologue a germé et je suis partie à Nice pour le travailler.

Le Sourire de Darwin, mise en scène de Murielle Mayette-Holtz © Virginie Lançon
Le Sourire de Darwin d’Isabella Rosselini, mise en scène de Murielle Mayette-Holtz© Virginie Lançon

Muriel Mayette-Holtz : Aisément. Je ne suis là qu’en soutien. Elle a déjà un univers affirmé et singulier. Il suffit juste de ciseler tout ce qu’elle est et a en elle. Quand on regarde les différents courts-métrages qui composent Green Porno, où elle se met en scène pour illustrer les mœurs sexuelles de divers insectes, tout est déjà là. C’est la première fois où je suis avec une actrice qui apporte déjà tout le matériel avec elle. Mon travail, finalement, consiste à la regarder et à l’aider à théâtraliser, à rythmer l’ensemble. C’est elle qui fait tout. Nous avons surtout travaillé le parallèle entre son travail d’actrice et le rapport entre ce qui est inné chez l’animal et ce qui est culturel chez l’homme. C’est-à-dire comment  les comédiens utilisent ces deux approches pour développer leur interprétation au plateau. Et puis comme Isabella a fait beaucoup de cinéma, c’était aussi montrer au public ce que permet la caméra et comment au théâtre on joue avec d’autres codes pour donner l’impression d’un gros plan, d’un travelling.

Isabella Rossellini : C’est passionnant de travailler la gestuelle par exemple. Italienne, je parle avec les mains, mais si je joue une Anglaise, une Française ou une Américaine, je suis obligée de me contraindre, de ne pas laisser le naturel l’emporter et de m’adapter. Cependant, pour exprimer le dégoût, la joie, etc., ce sont les mêmes codes partout dans le monde. C’est universel. Et justement Darwin se demandait si ces expressions d’émotions que les animaux peuvent aussi avoir – le tremblement pour la peur par exemple – étaient elles aussi façonnées par l’évolution.

Isabella Rossellini : Je ne saurais dire. J’ai eu très peu d’expériences  au théâtre. J’ai toujours favorisé le cinéma et le mannequinat. Certainement parce qu’aux États-Unis, où je vis, il est très difficile d’en faire. Ce n’est pas aussi présent qu’en France. C’est très cloisonné.

Et puis, j’avais deux enfants, je ne souhaitais pas être éloignée d’eux trop longtemps. Au cinéma, on part deux mois et puis on rentre. Au théâtre, c’est souvent beaucoup plus long et cela demande d’être disponible tous les soirs. À l’époque, je n’avais pas envie de cela.

Muriel Mayette-Holtz : J’ajouterais qu’Isabella est comme habitée par ses sujets. C’est inouï. Il n’y aucune vanité ou de coquetterie d’actrice en elle. Elle a juste envie de partager ses passions et les communiquer aux autres. En fait, elle n’essaie pas de jouer et je pense que c’est cela qui la rend si lumineuse et unique au plateau. Au théâtre, elle est un peu comme une enfant. Elle peut être une fourmi, un canard, car elle ne cherche pas à jouer ou à maîtriser son image. Elle le fait avec naturel, notamment parce qu’elle est libre du regard des autres.

Le Sourire de Darwin d'Isabella Rosselini, mise en scène de Murielle Mayette-Holtz© Virginie Lançon
Le Sourire de Darwin d’Isabella Rosselini, mise en scène de Murielle Mayette-Holtz © Virginie Lançon

Isabella Rossellini : Pas du tout. J’aime profondément l’expérience qui m’est donnée de jouer ces textes, et de faire découvrir l’éthologie aux spectateurs. Mais je suis trop nostalgique de chez moi, de mes enfants, de mes animaux, pour m’en éloigner trop longtemps. J’ai plutôt envie de poursuivre mes courts-métrages pour maintenant parler des animaux domestiques, comme les moutons et les poules, qui sont trop souvent oubliés des cours sur le comportement animalier. J’en ai plusieurs dans ma ferme à coté de New York, car je crois fermement que pour les comprendre, il faut vivre à leurs côtés.

Isabella Rossellini : C’est toujours un moment de vertige de monter sur scène. Un jour, le trac va m’emporter. Mais une fois sur les planches, face au public, tout va mieux. J’ai joué ce spectacle aux États-Unis, en Italie, au Monténégro et même aux îles Canaries. Ce qui me fascine particulièrement, c’est la beauté des lieux et les spectateurs très différents que je rencontre. Le plus gros problèmeest de changer de langue. Je joue ce texte dans la mise en scène de Muriel en anglais, italien et en français. Je crains toujours d’intervertir les mots. Cela m’est arrivé avec le terme paon, qui en anglais se dit peacock. C’était en Grèce, ils ont été un peu surpris, d’autant que je ne m’en suis aperçue qu’à la fin alors que j’ai fait tout le spectacle en parlant de paon.

Le Sourire de Darwin d'Isabella Rosselini, mise en scène de Murielle Mayette-Holtz© Virginie Lançon
Le Sourire de Darwin d’Isabella Rosselini, mise en scène de Murielle Mayette-Holtz© Virginie Lançon

Isabella Rossellini : Cela dépend beaucoup de ma réputation, si les gens me connaissent en tant que mannequin ou comédienne. Au Monténégro, c’était très drôle. Le public était plutôt aisé. Il y avait des Russes, des Saoudiens. Je ne suis pas sûre qu’ils ont vraiment écouté le spectacle qui était en anglais non sous-titré, ni qu’ils savaient qui et quoi ils venaient voir. De la scène, je les voyais parler entre eux, boire. C’était très surprenant et en même temps divertissant.

Aux Canaries, je pense qu’ils sont venus voir le mannequin. Ma prestation les a étonnés, mais ils ont aimé. Le plus drôle, C’est qu’à Tenerife, il y a une villa très connue des ethnologues car elle fut un lieu d’expérimentation important dans la compréhension du comportement des chimpanzés. Évidemment, j’ai demandé à y aller. Le maire m’a accompagnée, mais depuis la fermeture de la station de recherche, c’est totalement à l’abandon. Un peu gêné, il a promis de restaurer le lieu, car c’était maintenant reconnu internationalement. Ces anecdotes, ces histoires concomitantes à la tournée, me fascinent. J’espère en vivre encore plein d’autres et continuer à intéresser le public aux animaux et à ce qu’ils représentent pour nous les hommes.


Le Sourire de Darwin, un spectacle conçu par Isabella Rossellini
création en avril 2022 – salle des Franciscains du TNN
Durée 1h15 environ

Tournée
 5 au 8 novembre 2024 à Anthéa – Antipolis Théâtre d’Antibes
14 novembre 2024 au Forum Jacques Prévert – Carros
16 novembre 2024 à La Scala Provence – Avignon
19 au 24 novembre 2024 à La Scala Paris 
10 décembre 2024 à L’Onde – Vélizy Villacoublay
12 décembre 2024 au Théâtre des 2 Rives – Charenton-le-Pont
14 & 15 décembre 2024 au Théâtre Saint-Louis – Pau
17 au 19 décembre 2024 à La Comédie de Picardie – Amiens

Mise en scène Muriel Mayette-Holtz 
avec Isabella Rossellini
Décor & costumes Rudy Sabounghi 

Lumière de Pascal Noël 
Musique de Cyril Giroux
Vidéos Andy Byers, Rick Gilbert 
Conception image Andy Byers 
Assistant d’Isabella Rossellini – Gregorio Franchetti, Assistant modélisation décor Julien Soulier, Assistant costumes Quentin Gargano-Dumas

Teaser du Sourire de Darwin d’Isabella Rosselini, mise en scène de Muriel Mayette-Holtz © TNN

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