Comment est née l’idée de danser dans les musées ?
Aurélie Gandit : Les visites dansées sont nées en 2007 au musée des Beaux-Arts de Nancy. À l’époque, j’étais guide conférencière et je travaillais dans différents lieux culturels du secteur, dont le FRAC de Lorraine. Parallèlement à cela, j’avais une pratique intensive de la danse. Formée à la danse classique puis à la danse contemporaine, j’ai senti le besoin de réunir mes deux passions. L’idée était de rencontrer l’oeuvre par le corps, d’ouvrir le regard, la compréhension, le senti et le ressenti par la danse. Les questions qui ont animé mon geste étaient : Comment regarder de tout son corps ? Comment la danse peut dans « l’espace entre »,créer une ouverture, une rencontre avec l’œuvre ?
De ces interrogations est née la première visite dansée. Rapidement, d’autres ont suivi. Plusieurs musées, institutions artistiques, lieux dédiés à l’architecture et structures du spectacle vivant m’ont demandé de poursuivre l’expérience en investissant leur espace muséal…
Cela fait 15 ans que vous avez lancé « Visites dansées ». Qu’est-ce qui vous inspire et comment travaillez-vous chaque session ?
Aurélie Gandit : À chaque fois, c’est une création sur-mesure. En tant qu’historienne de l’art, j’étudie différents textes historiques, critiques et sociologiques qui concernent l’œuvre et qui me servent de point de départ. De cette matière, je tire des fils et des thématiques. Puis je me penche sur l’iconographie et la chromatographie qui viennent nourrir mon processus artistique. Ainsi, la danse naît de cette matière textuelle que je mets en mouvement. Le geste devient alors le point de départ d’une chorégraphie plus vaste. Je tisse les mots et les gestes afin qu’ils résonnent avec l’œuvre. La danse vient la révéler et permet au spectateur de la regarder autrement.
Comment ce travail autour d’œuvres d’art a nourri votre nouvelle création ?
Aurélie Gandit : Pour Sa place est dans un musée, c’est un peu différent. Cette fois, je m’empare du plateau et non d’un espace muséal. Il s’agit de transmettre une gestuelle, une mémoire à un autre artiste. C’est une « Mnémosyne », un hommage à Aby Warburg, cet historien d’art qui a créé au vingtième siècle ce corpus d’images à traver lequel se dessinent de grandes histoires de l’art. Après réflexion, je me suis rendue compte qu’après 15 quinze ans de visites dansées, et par la récolte de toutes ces images, mon corps était presque devenu une sorte de mnémosyne ! Avec ce geste de transmission à un jeune danseur de la compagnie Antoine Cardin, je tente une passation…. Je partage toutes ces danses pour observer la manière dont elles sont vécues, comprises et remises en mouvement par un autre corps. Par sa présence et l’écriture de plateau que nous avons effectuée ensemble, ma gestuelle, ce qu’elle véhicule d’histoire, est transformée.
Qu’est ce qui vous anime ?
Aurélie Gandit : L’art!
Et quelles œuvres emblématiques sont au cœur de votre processus créatif ?
Aurélie Gandit : Les deux dernières œuvres (La Dame à la licorne et Le Retable d’Issenheim) rencontrées pour les visites dansées m’ont beaucoup transformée et touchées. Leur puissance évocatrice et leur grande universalité ont été un vrai choc. Elles habitent mon travail et, tout particulièrement, cette nouvelle création.
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Sa place est dans un musée d’Aurélie Gandit
création le 5 novembre 2024 à La Filature – Scène nationale de Mulhouse
Durée 50 min
Tournée
14 novembre 2024 à la Salle Europe de Colmar
date à déterminer en 2025 au Centre Pompidou-Metz
Conception, chorégraphie d’Aurélie Gandit
Avec Aurélie Gandit, Antoine Cardin
Scénographie, régie générale, création lumière de Lucie Cardinal
Costumes d’Aliénor Figueiredo
Dramaturgie de Youness Anzane