En tant qu’artiste, qu’est-ce qui déclenche en vous le besoin de créer un spectacle ?
Carolina Bianchi : Une grande obsession pour quelque chose et, bien sûr, la durée de cette obsession. L’écriture naît de cette hantise constante en même temps, elle n’apporte pas de soulagement non plus. Le théâtre est l’étape suivante, où cette obsession est partagée collectivement. Mais tout cela naît d’un enfer intérieur que je traîne avec moi et qui se transforme au fil des années en œuvres.
Quelle est la genèse de A Noiva e o Boa Noite Cinderela ?
Carolina Bianchi : Mon désir de réfléchir à la violence, à la violence sexuelle, par l’étude de l’histoire de l’art, de la performance et la manière dont certains artistes ont traité cette violence par des actions sur leur propre corps. Puis je suis arrivée à l’histoire de la performeuse Pippa Bacca et de sa performance Brides on Tour, et de son dénouement : son viol et son meurtre. À la genèse de l’œuvre était aussi le désir d’étudier des les formes théâtrales et artistiques possibles pour parler du viol.
C’est une performance percutante. Vous semblez vous donner entièrement au spectateur à chaque représentation…
Carolina Bianchi : Je ne pense pas que ce que je fais dans le spectacle soit de me donner entièrement au spectateur. Mais j’invite les gens à faire ce voyage avec moi, et ce n’est pas un voyage facile. Je me prépare à le faire en lisant et en étudiant beaucoup, pour préparer mon cerveau à transmettre de la meilleure façon possible ce que je crois important dans cette recherche. Je fais totalement confiance aux artistes qui travaillent avec moi sur la scène, cela fait aussi partie de cette préparation. Pouvoir travailler avec des gens que j’admire, en qui j’ai confiance et avec lesquels j’ai développé un vocabulaire commun au fil des ans, c’est aussi une grande préparation pour moi.
La prise de danger et de risque sont-elles nécessaires à votre façon de créer ?
Carolina Bianchi : Non, mais oui (rires). Je pense que je suis toujours intéressée par des choses qui ne sont pas des conversations faciles sur scène, mais des sujets inconfortables, et c’est prendre un risque d’une certaine manière. Je prends le risque de ne pas être aimée ou de ne pas plaire. J’ai l’impression que mon écriture et ma présence sur scène sont porteuses d’une sorte de pacte sans concession. J’irai jusqu’au bout d’une idée afin d’aller au fond de la discussion.
À l’heure où le procès des viols de Mazan s’achève, votre spectacle résonne encore plus fortement dans notre société française. Quels messages souhaitez-vous faire passer ?
Carolina Bianchi : Je préfère ne pas penser en termes de messages car je crois que les spectacles parlent d’eux-mêmes. Je pense que c’est un bon moment pour être ici. Et cette affaire de Mazan, et celle de son procès public apportent quelque chose d’énorme dans l’histoire des affaires de violences sexuelles.
A noiva e o boa… est la première partie d’une trilogie. De quoi parleront les deux autres spectacles? Quand verront-ils le jour ?
Carolina Bianchi : Le chapitre 2 verra le jour au printemps prochain à Bruxelles et s’intitulera The Brotherhood. Je tourne mon regard vers la masculinité au théâtre. Et à la violence sexuelle, bien sûr.
Votre travail est extrêmement politique et engagé. Est-ce une nécessité pour vous ?
Carolina Bianchi : Non, je ne me considère pas comme une artiste engagée. Je me considère simplement comme une artiste, une artiste très obsessionnelle. Je ne peux tout simplement pas me revendiquer comme une artiste politique.
Que pouvons-nous vous souhaiter ?
Carolina Bianchi : Bonne chance et bon sommeil.
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
A Noiva e o Boa Noite Cinderela – Capítulo 1 da Trilogia Cadela Força de Carolina Bianchi
première française au Festival d’Avignon en juillet 2023
Durée 2h30
Reprise
6 au 8 novembre 2024 à La Villette dans le cadre du Festival d’Automne à Paris
Tournée
les 15 et 16 juillet 2023 au Theater der Welt Festival (Allemagne)
Les 20 et 21 juillet 2023 au Festival GREC (Espagne)
Les 18, 19 et 20 août 2023 au Kampnagel Internationales Sommerfestival (Allemagne)
Les 2 et 3 septembre 2023 à La Bâtie Festival de Genève (Suisse)
les 21 et 22 septembre 2023 au KVS (Belgique)
les 28, 29 et 30 septembre 2023 au Frascati Theater (Pays-Bas)
les 4 et 5 octobre 2023 au HAU1 (Allemagne)
le 15 octobre 2023 au Take me Somewhere Festival (Royaume-Uni)
les 31 janvier, 1er et 2 février 2024 au Maillon Théâtre de Strasbourg Scène européenne
Texte, conception, mise en scène et dramaturgie de Carolina Bianchi
Traduction pour le surtitrage de Larissa Ballarotti, Luisa Dalgalarrondo, Joana Ferraz,Marina Matheus (anglais), Thomas Resendes (français)
Avec Larissa Ballarotti, Carolina Bianchi, Blackyva, José Artur Campos, Joana Ferraz, Fernanda Libman, Chico Lima, Rafael Limongelli, Marina Matheus
Dramaturgie et recherche de Carolina Mendonça
Direction technique, musique originale et son de Miguel Caldas
Lumière de Jo Rios
Scénographie de Luisa Callegari
Vidéo de Montserrat Fonseca Llach
Costumes de Carolina Bianchi, Luisa Callegari, Tomás Decina
Collaboration artistique – Tomás Decina
Entraînement du corps et de la voix – Pat Fudyda, Yantó
Construction voiture Mathieu Audejean, Philippe Bercot, Miguel Caldas, Luisa Callegari, Pierre Dumas, Lionel Petit, Xavier Rhame, Jo Rios – Atelier de construction du Festival d’Avignon
Dialogue sur la théorie et la dramaturgie avec Silvia Bottiroli
Collaboration artistique – Edit Kaldor (DAS Theatre)
Vidéo du karaoké – Thany Sanches