À Auch, la première semaine des vacances de la Toussaint va de pair avec le festival du cirque actuel, CIRCa. Et comme pour les dernières éditions (voir article 2021, 2022, 2023), le soleil était au rendez-vous et cette année, on peut même dire qu’il a fait chaud ! Les chapiteaux et les salles de spectacles affichaient complet. Il faut dire que Stéphanie Bulteau, qui dirige Circa, le pôle national des arts du cirque Auch, avait mitonné sa programmation. Quelle que soit le degré de curiosité de chacun, ses références et ses préférences, chacun pouvait y trouver son plaisir.
Ils sont venus, ils sont tous là…
En temps normal, nous n’assistons qu’au week-end d’ouverture. Cette année, nous avons poussé jusqu’au mercredi soir, mesurant alors cette alchimie qui fait le charme et la force de CIRCa. Il y a le public composé de fidèles spectateurs n’hésitant pas à faire des kilomètres pour ne pas manquer ce rendez-vous incontournable, les habitants de la ville et de la région, venant souvent en famille, les curieux. Dès le lundi, tous les professionnels de la profession, producteurs, directeurs de salle, programmateurs, diffuseurs, artistes se retrouvent autour de rencontres et d’échanges. Sans oublier la présence des nombreux élèves d’écoles de cirque qui ne cessent de se développer.
Les beau temps de parole
C’est avec le très beau spectacle de Raphaëlle Boitel, La bête noire et Petite Reine, que nous avons démarré ce marathon circassien. Il allait donner le ton à cette édition placée sous le signe du texte et de la parole. Car, cette année bien des spectacles offraient, avec plus ou moins de bonheur, une certaine théâtralité. Ce spectacle est composé de deux solos. Le premier très visuel, interprété par Raphaëlle Boitel, est une performance autour de la contorsion et de la colonne vertébrale qui évoquent les luttes intérieures d’une femme marquée par son parcours. Dans le second, juchée sur son vélo, la toute jeune Fleuriane Cornet, dans un jeu digne des grandes comédiennes et d’une adresse exemplaire, raconte la chute d’une femme qui a cru au grand amour et s’est retrouvée étouffée par celui-ci.
Le magnifique spectacle de Katell Le Brenn, Des nuits pour voir le jour, explore également par la parole, mais aussi par des numéros d’équilibre et de contorsion, son vécu d’artiste de cirque. Son texte, finement ciselé par la dramaturgie d’Anaïs Allais, est magnifié par la mise en scène extraordinaire de David Coll Povedano. Par un procédé que l’on taira pour laisser le plaisir de la surprise, l’attention des spectateurs est sollicitée, l’obligeant ainsi à changer de point de vue. C’est génial.
Les temps forts
Il y a 20 ans, Jean-Baptiste André avait joué à CIRCa, son spectacle Intérieur nuit, qu’il reprend aujourd’hui. Très en avance à l’époque, surtout sur l’utilisation de la vidéo, s’inspirant de La Métamorphose de Kafka, l’acrobate met notre perception de l’espace sens dessus dessous. Magnifique.
Huellas de la Cie Hold-Up est un ovni acrobatique sensationnel. Sur un sol argileux, Olivier Meyrou et Matias Pilet, explorent tout le potentiel humoristique de la rencontre et de la passation entre un Néandertalien et un Homo sapiens. Ils arrivent en janvier au Théâtre du Rond-Point, on vous en reparlera.
Sur les traces des anciens
Nous avons eu un gros coup de cœur pour le spectacle de la Cie Bêtes de foire, Décrochez-moi ça. Sous leur très beau chapiteau, dans un bric-à-brac de costumes, chapeaux et objets, Laurent Cabrol et Elsa De Witte nous replongent dans une atmosphère à l’ancienne, celle de l’art forain où le burlesque est de mise. Accompagnés de Thomas Barrière, un musicien aussi étonnant que farfelu, d’un régisseur à tout faire, l’épatant Simon Rosant, et d’une Guest-star très cabotine, ces deux grands artistes signent un spectacle plein d’humour, de tendresse et de poésie. C’est beau.
Après des années passées avec d’autres artistes, dont la fameuse troupe des Nouveaux Nez, le clown Félix Tampon a décidé de faire un solo, Le pas seul ! Et ce n’est pas triste ! Alain Reynaud est un grand artiste qui manie avec dextérité cet art subtil du clown. C’est drôle, mais pas que…
Ils ont séduit…
Les deux grands rendez-vous avec le tout « famille » ont été très appréciés. Il y avait du monde sur la pelouse de la Caserne Espagne. Les plus petits assis sur la pelouse, les plus âgés sur leurs chaises et les autres, debouts, ont assisté avec bonheur au spectacle de la Cie Les P’tits bras. Vent d’Ouest est une épopée burlesque qui se passe au Far-West. Pour les gags, Tex Avery n’est pas loin, surtout avec cet immense et maladroit shérif. Sur leur structure impressionnante, les artistes enchaînent des prouesses qui ont coupé le souffle à bien des spectateurs. Le second, Soirée magique est un grand cabaret, conçu par la Cie 14:20. Les numéros d’illusions bousculent et impressionnent nos perceptions.
Les curiosités
Révolte, ou tentative de l’échec, de la fildefériste et funambule, Johanne Humblet. Avec sa Cie Les filles du Renard Pâle, elle a fait souffler un vent de modernité très punk rock. Invitées dans le cadre de la saison de la Lituanie en France 2024, nous avons découvert How a spiral works. Dans une écriture visuelle très poétique, la danseuse Alise Bokaldere et la cordiste Izabelle Kuzelyte. imaginent la rencontre du ciel et de la terre. Même nous sommes restés un peu sur notre faim, le spectacle Écritures Croisées, entre le plasticien Claudio Stellato et la 37e promotion du CNAC, mérite d’être salué pour son originalité. C’est une ébauche de 30 mn, qui a de quoi s’ouvrir sur un spectacle.
La conférence-spectacle d’Anna Tauber, Suzanne : une histoire de cirque, est un hommage très touchant à ces artistes des années 1950, qui voltigeaient dans les airs sous les plus grands chapiteaux du monde. À travers des images d’archives et des rencontres filmées, la jeune femme, qui se définit comme une « circassienne hors-piste », raconte l’histoire de Suzanne, explore cette époque où sans filet les voltigeurs frôlaient souvent la mort, et comment, avec de jeunes artistes d’aujourd’hui, ils ont recréé son numéro de voltige. C’est passionnant.
Si les spectacles, Traverser les murs opaques du Collectif Porte 27 – Marion Collé ; Le Bruit du Cirque des petites natures ; Radio Maniok des Cirquons Flex, nous ont moins convaincus, ils possèdent les qualités de leurs défauts et ces propositions ont le mérite d’exister. Dans l’ensemble, ce festival est une belle mouture qui montre toute la diversité des tons et des couleurs vers lesquels les artistes tentent d’aller pour continuer à écrire l’histoire des arts du cirque.
Marie-Céline Nivière – Envoyée spéciale à Auch
Festival – CIRCa
37e édition du Cirque actuel
32000 Auch
Du 18 au 26 octobre 2024
La bête noire et Petite Reine, Cie L’oubliée – Raphaëlle Boitel,
Durée 1h10
Des nuits pour voir le jour, de la Cie Allégorie, par Katell Le Brenn,
Durée 1h15
Intérieur nuit, de et par Jean-Baptiste André,
Durée 1h
Huellas de la Cie Hold-Up
Durée 1h
Décrochez-moi ça, la Cie Bêtes de foire
Durée 1h10
Le pas seul, d’Alain Reynaud
Durée 1h
Suzanne : une histoire de cirque, Cie L’association du vie – Anna Tauber et Fragan Gehlker
Durée 1h20
Vent d’ouest, la Cie les Petits Bras
Durée 1h
Soirée Magique, la Cie 14:20
Durée 1h20
Révolte, ou tentative de l’échec, Johanne Humblet – Cie Les filles du Renard Pâle
Durée 1h
How a spiral works, Cie Art For Rainy Days (Saison de la Lituanie en France)
Durée 50 mn
Traverser les murs opaques, Collectif Porte 27 – Marion Collé
Durée 55 mn
Le Bruit, Cirque des petites natures
Durée 1h30
Radio Maniok, Cirquons Flex
Durée 1h45 avec entract
