Une maison de poupée - Yngvild Aspeli - Cie Plexus Polaire © Christophe Raynaud de Lage
© Christophe Raynaud de Lage

Une maison de poupée, sublimée par l’art de la marionnette

Au Japon, il existe un terme, Grand Maître, pour qualifier celui qui est le « maître d’un style ». Assurément ce terme sied parfaitement à Yngvild Aspeli. Son remarquable spectacle, tiré de l’œuvre de Henrik Ibsen, arrive au TGP, poursuivant sa belle tournée qui se passera en janvier au Théâtre du Rond-Point.

Metteuse en scène, actrice et marionnettiste, la norvégienne, qui a fait ses classes chez Jacques Lecoq puis à l’École Nationale Supérieur des Arts de la Marionnette (ENSAM) à Charleville-Mézière, est une artiste douée. Avec sa compagnie, Plexus Polaire, elle fait salle comble à chacun de ses passages au Festival Mondial des Théâtres de la Marionnettes, comme en 2021, avec Moby Dick, et en 2023, avec la création d’Une maison de Poupée, spectacle qui a reçu lors du 61e palmarès une mention spéciale décernée par le collège théâtre du Syndicat de la Critique.

Une maison de poupée - Yngvild Aspeli - Cie Plexus Polaire © Christophe Raynaud de Lage
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Les festivaliers du Off d’Avignon, se sont précipités à la Manufacture pour applaudir le Dracula : Lucy’s Dream. Artiste associée au CDN Dijon-Bourgogne et artiste-compagnonnage au Théâtre d’Auxerre, elle a été, récemment, nommée à la direction du Nordland Visual Theatre – Figurteatret i Nordland en Norvège. Cette brillante artiste, à travers son travail sur les marionnettes de taille humaine, possède un univers visuel, qui « donne vie aux sentiments les plus enfouis ».

Yngvild Aspeli, vêtue de noir, comme tous les manipulateurs de marionnettes qui doivent s’effacer, apparaît devant le rideau. Elle raconte qu’un oiseau s’est un jour fracassé contre une de ses fenêtres alors qu’elle lisait un livre. Bouleversée, ne pouvant plus reprendre le cours des choses, elle se dirige vers sa bibliothèque et sa « main s’est arrêtée » sur Une Maison de Poupée de Henrik Ibsen. Car l’héroïne de la pièce, Nora, à l’image du volatile, s’est cognée « contre l’invisible surface en verre de sa propre existence. » L’idée a germé et s’est transformée en un magnifique spectacle qui fait entendre une de meilleures lectures de la pièce du dramaturge norvégien.

Dès que le rideau s’ouvre la magie opère. Dans un effet d’illusion parfait, Yngvild Aspeli se glisse dans le personnage de Nora. Devenant ainsi une marionnette humaine ! Elle est cette jeune femme que son mari considère comme une « poupée » et qui doit rester à sa place d’épouse et de mère. Or, quand son époux tombe malade, Nora ne va pas hésiter pas à agir et trouve le moyen de se procurer les sous pour le sauver. Elle fait les choix que la société lui permet et que son mari considérera comme un acte de faiblesse féminin. Consciente qu’elle n’est pas à la place où on voudrait qu’elle soit, la jeune femme abandonne mari et enfants.

Nora est ce que l’on peut appeler une des premières héroïnes féministes ! Car comme l’écrit Ibsen : « Une femme ne peut pas être elle-même dans la société contemporaine, c’est une société d’hommes avec des lois écrites par les hommes, dont les conseillers et les juges évaluent le comportement féminin à partir d’un point de vue masculin ».

Une maison de poupée - Yngvild Aspeli - Cie Plexus Polaire © Christophe Raynaud de Lage
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Au centre du plateau, une boîte à jeu représente le salon du couple Helmer. La scénographie instaure l’univers de ce qui pourrait faire songer à une maison hantée. Ce lieu cosy cache le mal qui ronge la maison et ce grand malentendu entre l’époux, incarné par le comédien-marionnettiste Viktor Lukawski et Nora. Le bon Docteur Rank, l’amie Christine Linde, le maître chanteur Krogstad, les trois enfants, prennent littéralement vie sous les traits de marionnettes grandeur nature. Cela forme un tout et l’on oublie vite qui est réel et qui ne l’est pas.

L’espace se resserre sur Nora. Le cauchemar de sa vie est représenté par des oiseaux morts qui viennent se fracasser sur les murs et des araignées tissant leurs toiles, refermant ainsi le piège. Yngvild Aspeli et Paola Rizza, qui co-signe la mise en scène, donnent à Nora la parole que les hommes lui ont toujours refusée. Et c’est magnifique !


Une maison de poupée de Henrik Ibsen
Théâtre Gérard Philipe, Centre Dramatique National
59, boulevard Jules-Guesde
93200 Saint-Denis
Du 11 au 16 octobre 2024
Durée 1h20
Spectacle en anglais surtitré en français.

Tournée
07 et 08 novembre 2024 à La Faïencerie, Creil
12 novembre 2024 au CDN de Normandie-Rouen

15 novembre 2024 au Tangram, Evreux
20 et 21 novembre 2024 au Sablier, CNMa, Ifs, en partenariat avec la Comédie de Caen, CDN dans le cadre du Festival les Boréales
28 et 29 novembre 2024 au Trident, Cherbourg, dans le cadre du Festival les Boréales
05 et 06 décembre 2024 au Théâtre de Sartrouville – CDN, Sartrouville
18et 19 décembre 2024 au Zef, Marseille
09 janvier 2025 au 140, Bruxelles, Belgique
18 janvier 2025 à l’Espace Marcel Carné, Saint-Michel-sur-Orge
23 janvier au -02 février 2025 au Théâtre du Rond-Point, Paris
27 et 28 février au Manège – Scène Nationale de Reims
12 et 14 mars 2025 à La Coursive – Scène Nationale de la Rochelle
19 et 20 mars 2025 au Théâtre les Colonnes, Miramas
25 au 28 mars 2025 aux  2 scènes en partenariat avec le CDN de Besançon, Besançon
02 au 04 avril 2025 à la MC2, Grenoble
08 avril 2025 au Théâtre – Scène nationale de Mâcon
10 Avril 2025 à L’Arc – Scène Nationale le Creusot
16 avril 2025 aux Scènes du Jura, Dole
19 avril 2025 au Quai 9 Lanester avec le Théâtre à la Coque, CNMA, Lorient

Mise en scène Yngvild Aspeli et Paola Rizza
Avec Yngvild Aspeli (en alternance avec Maja Kunsič) et Viktor Lukawski (acteur·rices marionnettistes)
Musique Guro Skumsnes Moe
Fabrication des marionnettes Yngvild Aspeli, Sébastien Puech, Carole Allemand, Pascale Blaison, Delphine Cerf
Scénographie François Gauthier-Lafaye
Lumière Vincent Loubière
Costumes Benjamin Moreau
Son Simon Masson
Régie plateau et manipulation des marionnettes Alix Weugue
Dramaturgie Pauline Thimonnier
Chorégraphie Cécile Laloy
Coordination chorale Pauline Schill

Une maison de poupée © Plexus Polaire – Yngvild Aspeli

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