Lucile Roche © Tuong Vi-Nguyen

Lucile Roche, le théâtre à cœur ouvert 

De Racine carrée du verbe être de Wajdi Mouawad à des œuvres d’auteurs de moins de 30 ans dans le cadre Aux singuliers mis en scène par Frédéric Fisbach, la comédienne de la jeune troupe de la Colline – Théâtre national habite avec fraîcheur et intensité les lieux en cet automne 2024. 

Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
Je devais avoir six ans, lors de la fête de l’école. On avait appris des poèmes pour les jouer dans une jolie prairie, devant nos parents. J’étais si enthousiaste et excitée que je m’étais pété le nez contre un camarade pendant le show. À ce moment précis, j’ai compris que cet art créait de la vie en moi ! 

Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
Au lycée, je suis partie à l’internat pour suivre un cursus franco-allemand. J’avais beaucoup d’heures de cours, de travail à fournir, je me réveillais crevée. Je vivais ça comme un éternel recommencement. Et chaque matin, dans la cour, je regardais le ciel et je rêvais d’une journée où je poussais des flies, soulevais des enceintes, m’occupais de la buvette, de la billetterie d’un festival… J’avais envie d’événements, de faire partie d’une équipe qui organisait un concert… D’ailleurs, je m’imaginais peut-être plus aisément régisseuse que comédienne, à l’époque.

Aux Singuliers, mise en scène de Frédéric Fisbach  © Tuong-Vi Nguyen
Aux Singuliers, mise en scène de Frédéric Fisbach © Tuong-Vi Nguyen

Qu’est-ce qui a fait que vous avez choisi d’être comédienne ?
J’ai débuté petite, à travers différents clubs et associations, c’était une activité dont jamais je ne me sentais lassée. J’aimais, parce que j’avais l’impression de pouvoir dire ou faire n’importe quoi sans en payer les conséquences. C’était mon personnage le responsable, pas moi ! 
J’ai, je crois, commencé à croire d’abord en dilettante que ça pourrait devenir mon métier, puisque ça me paraissait fou comme projet. Puis j’ai tenté des concours d’école, parce que je voulais apprendre, apprendre, apprendre. Et j’ai eu la chance, depuis, de continuer le théâtre au quotidien, c’est du moins ce qui se passe en ce moment. D’ailleurs, ça sonnait bizarre les premières fois où j’ai verbalisé le fait que j’étais comédienne.

Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ? 
Je pense tout de suite à la troupe de Saint-Gelais. Le village dans lequel j’ai grandi organise tous les quatre, cinq ans environ un spectacle son et lumière. Pendant plusieurs mois, des répétitions sont organisées le soir avec les volontaires en petits groupes, selon les disponibilités. Et plus l’été approche, plus l’équipe doit se retrouver au complet, puisque les filages commencent. Alors le groupe s’agrandit, des dizaines de comédiens et comédiennes amateurs se mélangent aux régisseurs et régisseuses du foyer associatif, d’autres bénévoles s’occupent des costumes, d’autres encore ont construit le décor. Et j’ai le souvenir de l’immense tablée sous le préau, après les représentations, où tout le monde parle, mange, rigole. Je trouvais ça beau. C’est l’ambiance autour du projet qui me réjouissait peut-être plus que la scène en soi.

Votre plus grand coup de cœur scénique ? 
Lovetrain2020, d’Emanuel Gat, c’est l’unique spectacle de danse que je suis retournée voir dans ma vie. Y assister me donnait de la force. Tous les sons étaient ceux du groupe Tears For Fears et je pense que le mélange entre la culture populaire que véhiculait la BO d’un côté, et la technicité des danseurs de l’autre, m’ouvrait un champ des possibles, me prouvait qu’on pouvait créer à partir de tout.

Quelles sont vos plus belles rencontres ?
C’est justement formidable que ce métier permette tant de rencontres sur chaque nouveau projet. En rentrant dans la Jeune Troupe de la Colline, par exemple, j’ai fait connaissance avec beaucoup de personnes qui travaillent dans les relations publiques, la production, la régie, etc., et j’ai pu renouer avec les premières raisons qui m’ont amenée au théâtre, à savoir pas uniquement le jeu, mais aussi tout le boulot autour mis en œuvre pour que la création ait lieu et pour qu’elle s’inscrive dans une réflexion liée à la démocratisation du théâtre notamment.

En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ?
J’imagine que c’est justement le déséquilibre qu’il engendre qui me plait : des périodes intenses de travail, qui s’alternent avec des moments où la vie se réinvente.

Aux Singuliers, mise en scène de Frédéric Fisbach  © Tuong-Vi Nguyen
Aux Singuliers, mise en scène de Frédéric Fisbach © Tuong-Vi Nguyen

Qu’est-ce qui vous inspire ? 
Je regarde en boucle les clips du groupe londonien Jungle. J’aimerais réussir à produire au théâtre ce que ces danseurs arrivent à provoquer chez moi de jubilation.

De quel ordre est votre rapport à la scène ? 
J’envisage la scène avec un esprit ludique, je cherche la surprise.
Mais j’essaye de l’aborder aussi de manière rigoureuse, je m’efforce à mettre en pratique la technique (vocale, respiratoire) que j’ai apprise dans mon école, l’ESAD, pour que l’instinct ne soit pas la seule chose sur laquelle me reposer. 
Plus exactement, j’essaie de tendre vers leur combinaison, puisqu’ils se complètent et que les deux sont nécessaires.

À quel endroit de votre chair, de votre corps, situez-vous votre désir de faire votre métier ? 
Au cœur ! 

Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
Récemment, j’ai beaucoup aimé le travail qu’Isabelle Lafon a fait sur Cavalières. Elle semble laisser un espace de jeu immense à ses actrices. 
Et Que ma joie demeure m’a donné une si grande envie de rencontrer Clara Hédouin, la metteuse en scène, qui imagine le théâtre comme des longues traversées hors les murs.

À quel projet fou aimeriez-vous participer ? 
J’aimerais jouer dans les montagnes.

Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ? 
Un jour, on m’a dit que j’étais Frances Ha, j’ai trouvé ça drôle et assez vrai.


Aux singuliers, mis en scène par Frédéric Fisbach
Petit théâtre
https://www.colline.fr/spectacles/aux-singuliers
15 rue Malte-Brun
75020 Paris
du 8 au 19 octobre 2024
Quand un pigeon a manqué de me crever l’œil de Marie de Dinechin
par Lucile Roche
les mardi 8, mercredi 9 et mardi 15 octobre à 20h

Racine carrée du verbe être, texte et mise en scène de Wajdi Mouawad
La Colline – Théâtre national
15 rue Malte Brun
75020 Paris

Reprise du 20 septembre au 22 décembre 2024
Création en octobre 2022
Durée environ 6h avec entractes

Avec Maïté Bufala, Madalina Constantin, Jade Fortineau, Jérémie Galiana, Delphine Gilquin, Julie Julien, Jérôme Kircher, Norah Krief, Maxime Le Gac Olanié, Wajdi Mouawad, Lucile Roche et Anna Sanchezen alternance, Nathanaël Rutter, Richard Thériault, Raphael Weinstocket les enfants en alternance Colin Jolivet, Meaulnes Lacoste, Théodore Levesque, Balthazar Mas-Baglione, Ulysse Mouawad, Adrien Raynal, Noham Touhtouh
Assistanat à la mise en scène Cyril Anrep et Valérie Nègre
Dramaturgie de Stéphanie Jasmin
Scénographie d’Emmanuel Clolus
Lumières d’Éric Champoux
Conception vidéo de Stéphane Pougnand
Musique originale de Paweł Mykietyn
Interprète polonais Maciej Krysz
Conception sonore de Michel Maurer, assisté de Sylvère Caton et Julien Lafosse
Costumes d’Emmanuelle Thomas, assistée de Léa Delmas et Isabelle Flosi
Maquillages et coiffures de Cécile Kretschmar

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