Contre d’après la vie et l’œuvre de John Cassavetes et Gena Rowlands, texte de Constance Meyer, Agathe Peyrard et Sébastien Pouderoux © Christophe Raynaud de Lage, Coll. Comédie-Française
© Christophe Raynaud de Lage, Coll. Comédie-Française

Contre, le couple Rowlands – Cassavetes fait son show au Français

Au Théâtre du Vieux-Colombier de la Comédie Française, Constance Meyer, Agathe Peyrard et Sébastien Pouderoux brossent un portrait sans concession, drôle autant que troublant, du légendaire couple du cinéma indépendant américain. 

On est en 1974. Le long-métrage emblématique de John Cassavetes, Une femme sous influence, vient de sortir. Sur un plateau de télé ou de radio, quatre critiques sont réunis pour donner leur avis et débattre. Face à la fameuse Pauline Kael, grande détractrice du réalisateur, que l’écrivain Norman Mailer avait baptisée en son temps « Lady Vinigar », une tout jeune journaliste tente d’imposer son point de vue. Là où la première ne voit qu’ennui et niaiserie, avec une mauvaise foi sans pareil, l’autre perçoit tout ce qui fait du cinéaste un artiste radical et de son film un chef d’œuvre. Seule la prestation de Gena Rowlands les met d’accord. Elle est magistrale. Dans cette joute verbale de haut vol, Dominique Blanc et Marina Hands excellent. 

Point de départ, non d’un biopic classique, mais plutôt d’une évocation d’une époque – le début du cinéma indépendant aux États-Unis – et de l’intimité d’un couple mythique, cette scène est un morceau de choix. Drôle, cinglante et caustique, elle donne le ton au spectacle ciselé par un autre duo d’artistes, la réalisatrice Constance Meyer et le sociétaire du Français, Sébastien Pouderoux. Ne cherchant aucune linéarité, ni à être exhaustifs, ils entrainent le spectateur dans une succession de saynètes qui dessinent en creux la personnalité singulière de Cassavetes et celle vertigineuse de Gena Rowlands. C’est aussi une réflexion sur l’art, sur le conformisme et sur la subjectivité. 

Contre d’après la vie et l’œuvre de John Cassavetes et Gena Rowlands, texte de Constance Meyer, Agathe Peyrard et Sébastien Pouderoux © Christophe Raynaud de Lage, Coll. Comédie-Française
© Christophe Raynaud de Lage, Coll. Comédie-Française

Des coulisses du film, avec ses aléas, au rapport entre artistes et critiques, entre œuvres novatrices et public, en passant par un incident, une bagarre entre le réalisateur et un de ses anciens son chef opérateur qui a donné lieu à une plainte (fictive), Pouderoux et Meyer, en collaboration avec la dramaturge Agathe Peyrard, tissent une toile presque surréaliste qui oscille entre réalité et fiction, entre scènes anthologiques – comme quand Cassavetes, rencontrant Pauline Kael, lui pique tel un gamin espiègle, un brin revanchard, ses chaussures – et intimes – l’anniversaire d’un des enfants du couple. 

Parfois hystérique, quelquefois un peu bavarde, mais le plus souvent hilarante, Contre est une partition toute en contraste qui touche à l’humain, à sa nature complexe. En se glissant dans la peau d’un Cassavetes autant irascible que charismatique, Sébastien Pouderoux déploie une riche palette d’émotions et poursuit son travail hors des sentiers battus comme il l’avait fait avec Les serges et avec Comme une pierre qui roule… Qui de mieux que Marina Hands, éblouissante, pouvait incarner une Gena Rowlands, toujours sur le fil du rasoir entre fragilité et flegme mutin. Le reste de la distribution est au diapason. En tête, Dominique Blanc, inénarrable, suivie de près par Nicolas Chupin, impayable en Peter Falk, Jordan Rezgui, tout juste entré au Français, déjà étonnant, et les jeunes académiciens de la troupe – Rachel Collignon, Blanche Sottou et Antoine Prud’homme de la Boussinière. 

Contre d’après la vie et l’œuvre de John Cassavetes et Gena Rowlands, texte de Constance Meyer, Agathe Peyrard et Sébastien Pouderoux © Christophe Raynaud de Lage, Coll. Comédie-Française
© Christophe Raynaud de Lage, Coll. Comédie-Française

Dans un univers vintage, signé Alwyne de Dardel, où l’on passe en un tour de main d’une cuisine à une loge, d’un commissariat à une chambre, la vie de Cassavetes et de Rowlands défile en super 8. Si l’ensemble mériterait d’être resserré pour gagner en rythmique et en dramaturgie, le tout est avant tout une savoureuse aventure entre copains.

Toutefois, le spectacle touche juste et donne à voir en filigrane l’artiste et son œuvre, incompris autant que portés aux nues. Mais c’est ailleurs que le travail de Sébastien Pouderoux et Constance Meyer trouve son acmé. Face aux concours de testostérone que se livrent Cassavetes et ses amis, ce jeu du masculin, les partitions portées par Marina Hands et Dominique Blanc, leurs échanges à fleurets mouchetés, sont tout simplement étincelants. Contre tous, Rowlands et Cassavetes mènent leur barque, entrent dans la légende et leurs doubles théâtraux esquissent un bien détonnant pas de deux ! 


Contre d’après la vie et l’œuvre de John Cassavetes et Gena Rowlands, texte de Constance Meyer, Agathe Peyrard et Sébastien Pouderoux
Théâtre du Vieux Colombier – Comédie-Française
21 Rue du Vieux Colombier
75006 Paris
jusqu’au 3 novembre 2024
Durée 2h10 environ

Mise en scène de Constance Meyer et Sébastien Pouderoux assistés de Ferdinand Jeampy
Dramaturgie d’Agathe Peyrard 
avec Sébastien Pouderoux, Dominique Blanc, Marina Hands, Nicolas Chupin, Jordan Rezgui et les comédiennes et comédiens de l’académie de la Comédie-Française Rachel Collignon, Blanche Sottou & Antoine Prud’homme de la Boussinière 
Scénographie d’Alwyne de Dardel assistée d’Inês Mota 
Costumes d’Isabelle Pannetier assistée de Marine Dupont
Lumières de Juliette Besançon 
Vidéo de Gabriele Smiriglia 
Son de Clément Vallon 

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