Rima Abdul Malak © DR
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Rima Abdul Malak : « La poésie a toujours été associée à des moments de joie et de partage »

Dans le cadre du festival Les Émancipéés, qui se tient à Vannes du 27 septembre au 6 octobre 2024, l’ancienne ministre de la Culture propose en compagnie du jeune guinéen Falmarès, une balade poétique autour de l’exil. 

Rima Abdul Malak : J’ai passé les dix premières années de ma vie au Liban et j’ai été bercée dès ma plus tendre enfance par la poésie. D’abord, orale. Il y a au pays de mes ancètres la tradition du « zajal », qui consiste à déclamer des poèmes improvisés à la fin de certains repas familiaux ou de certaines cérémonies. L’un de mes grands oncles avait la magie des mots. Lors des fêtes familiales quand il prenait la parole tout le monde l’écoutait. C’était un vrai poète. De ce fait, la poésie a toujours été associée pour moi, à des moments joyeux, des moments de rassemblement, des moments de partage. 

C’est plus tard, quand je suis arrivée en France, grâce à mes profs au collège et au lycée, que j’ai découvert la poésie écrite. Cela m’a tellement plu, que j’ai commencé à en lire beaucoup. En Seconde, je me souviens, j’avais acheté un cahier très joli dans lequel je recopiais les poèmes qui me touchaient et m’inspiraient. C’était un peu comme ma petite malle au trésor. Je crois profondément que la poésie a toujours été une sorte de refuge et une source d’inspiration permanente. 

Falmarès © Marie Dos Santos Barra
Falmarès © Marie Dos Santos Barra

Rima Abdul Malak : Quand j’étais ministre, ceux qui s’intéressent à la littérature, à la poésie, ont pu voir à quel point elle était présente dans mon quotidien. Tant que je n’étais pas une personnalité publique, cela se savait peu, mais quand j’étais à l’Élysée en tant que conseillère culture du président, tous les matins, j’envoyais par mail des poèmes à mes collègues. C’était une façon de mettre un peu de poésie et de beauté dans nos quotidiens. Devenue ministre, j’ai essayé d’insérer la poésie dans tous les interstices que je pouvais. Je citais des poèmes à la fin de mes interventions au Sénat, par exemple. J’ai aussi organisé des soirées poésie au ministère, que j’avais baptisé le Rima Poésie Club. Mon goût pour cet art littéraire a fini par être connu.

C’est par ce biais que Ghislaine Gouby, programmatrice du festival, en est venue à me proposer de participer un événement poétique. En y réflichissant, depuis un moment, je souhaitais reprendre d’une autre manière le principe du Rima poésie club. Je trouve essentiel de poursuivre cette transmission de la poésie. En toute logique, j’ai donc répondu favorablement à cette sollicitation, d’autant que j’entends parler de ce festival depuis longtemps et que je n’ai jamais eu l’occasion de m’y rendre. Dans quelques jours, cela sera chose faite.

Rima Abdul Malak : En échangeant avec Ghislaine (Gouby), je me suis rendu compte qu’elle m’offrait une grande liberté. J’avais carte blanche tant pour la forme que pour les thématiques abordées. J’ai immédiatement pensé au thème de l’exil, qui est en soi une terre de poésie magnifique et profonde située entre deux terres, celle du pays d’orgine et celle du pays d’accueil. En très peu de mots, il est possible d’exprimer tellement de choses. Au cours de nos conversations, un nom s’est imposé, celui de Falmarès, notamment parce qu’au terme de son périple lorsqu’il a quitté la Guinée, il est arrivée à Vannes, où il a fait ses études. Cela permettait une sorte de boucle d’autant que, quand j’ai lancé le Rima Poésie Club, un de mes objectifs premiers était d’en faire un tremplin pour les jeunes poètes. Falmarès a 22 ans et un talent indéniable.

Rima Abdul Malak : Elle sera tissée de plusieurs fils. L’idée est de faire connaître son œuvre ainsi que d’aller à la découverte d’autres poétes qui ont écrit sur l’exil. J’ai préparé une sélection de poèmes à lire et partager, ensemble, avec le public. Son dernier recueil, Catalogue d’un exilé, sera la colonne vertébrale et donnera le ton à l’après-midi.

Rima Abdul Malak : C’est l’alliance de la musique et de la littérature, c’est l’ouverture, la liberté, l’émancipation par les mots et le chant. C’est aussi la fraternité. Un espace singulier pour rassembler des artistes d’horizons différents et créer des rencontres inoubliables avec le public. Je tiens vraiment à saluer l’existence et l’énergie d’un tel festival aujourd’hui. Ce qui fait la force culturelle de la France, c’est la grande diversité d’organisations et de festivals qui font vivre la littérature en chair et en os un peu partout sur le territoire, qui portent la passion des mots au plus près des gens. C’est quelque chose d’absolument unique dont il n’exite pas d’équivalent ailleurs dans le monde. C’est une telle chance pour notre pays ! Il faut qu’on continue à préserver cela. 

Rima Abdul Malak : Au-delà de Vannes, je dois dire que pour moi, qu’en effet, la Bretagne a toujours été un modèle culturel. Je l’ai souvent répété. Quand j’étais conseillère culture du Président puis Ministre, tout ce que nous avons pu expérimenter de nouveau, d’innovant, on l’a d’abord lancé en Bretagne. C’est sur ces terres de l’ouest qu’on a ouvert un lieu dédié à la formation à l’éducation artistique – l’INSEAC à Guingamp. C’est aussi ici que le Pass Culture a été expérimenté en premier. Quand j’ai mis en place la feuille de route du ministère de la Culture pour la transition écologique, c’est avec la Région Bretagne qu’une convention ambitieuse a pu être signée en premier pour accompagner les acteurs culturels dans ces multiples mutations.

J’ai aussi pris exemple sur la Coopérative, collectif de production qui réunit 6 insitutions culturelles, dont l’opéra de Rennes et la scène nationale de Quimper, pour mieux diffuser l’opéra en France. Il y a en Bretagne un vivier d’artistes et d’acteurs culturels qui ont le désir et l’énergie de tester de nouvelles formes, de nouvelles manières de travailler. Par ailleurs, c’est aussi une terre d’accueil particulière pour les personnes venues d’ailleurs. La Bretagne a une longue tradition de terre d’asile et a toujours su enrichir sa culture d’autres cultures. Je sens ici un regard peut-être plus bienveillant qu’ailleurs vis-à-vis des migrants, même si la question de leur accueil crée des débats et parfois des tensions, comme on a pu le voir à Callac.

Lors des dernières législatives, j’étais heureuse de voir à quel point la Bretagne a résisté à la vague de l’extrême droite, malgré sa progression. Il n’y a aucun député RN breton à l’Assemblée. Donc, il y a, je pense, beaucoup d’inspiration à trouver dans le modèle breton. C’est important de le dire, car c’est aussi en cela qu’un festival comme Les Émancipéés est nécessaire.


Festival Les Émancipéés
du 27 septembre au 6 octobre 2024
Scènes du Golfe
Palais des Arts, Vannes Salle Ropartz
Place de Bretagne
56000 Vannes

Lecture, Autre liberté
Rima Abdul Malak et Falmarès
dimanche § octobre 2024 à 15h45

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