Aux Abords d’Avignon, la salle de la Maif, dans laquelle a lieu une partie de la programmation du Train Bleu, avec ses murs blancs et ses néons au plafond, est à peu près l’inverse d’une boîte noire. Mais elle est un écrin parfait pour la mise en scène des Guêpes de l’été nous piquent encore en novembre de Viripaev que signe Yordan Goldwaser. Ou en tout cas sa version itinérante, qui se joue comme ça, net, sans création lumière, avec seul un piano pour décor, et qui n’apparaît en rien comme une simple version « light » tant elle marche avec le texte.
Une vieille combine — asseoir les comédiens avec le public, dans les gradins en trifrontal — permet de lancer l’action in medias res. Les trois protagonistes ne sont pas d’accord : Sarra dit que Robert était chez elle ce lundi, et Donald, en face, maintient qu’il lui a rendu visite à lui. Absurde et insoluble, la situation amène d’autres vérités à émerger, toutes périphériques à cette question-là, et avec elles, la vérité la plus grande, celle de l’absurdité existentielle. »Cette vie est étonnamment faite », remarque Donald.
Les trois comédiens (David Houri, Pauline Huruguen et Barthélémy Meridjen) fonctionnent merveilleusement bien ensemble, aussi bien que cette mise en scène repose sur eux, sur leur capacité à rendre les intensités et les couleurs contradictoires du texte de l’auteur russe. Alors on rit, notamment parce que les mots tapent proche, tapent « vrai », mais le sentiment de l’unheimlich, de l’inquiétante étrangeté freudienne, plane aussi. L’immersion du public dans cette discorde ne sert pas juste à contrarier la routine spectatoriale : elle implique chacun directement dans une histoire qui est tout sauf privée, dans un problème partagé, celui du langage et de la vérité, chose collective s’il en faut.
Samuel Gleyze-Esteban – Envoyé spécial à Avignon
Les guêpes de l’été nous piquent encore en novembre d’Ivan Viripaev
Festival Off Avignon
Théâtre du Train Bleu
40 rue Paul Saïn, 84000 Avignon
Mise en scène Yordan GoldwaserCréateur·rice lumière : Philippe Darnis, Samaele Steiner
Assistant·e de mise en scène Julien Gallée-Ferré
Scénographe Lucie Gautrain
Communication Kalaiselvi Lecointe
Décorateur·rice Jean-Luc Malavasi
Régie générale Thomas Coux
Lumière Samaele Steiner
Musique Gaubert Toussaint
Avec Sébastien Dubourg, David Houri, Pauline Huruguen, Barthélémy Meridjen