Le plateau est presque nu. Il y a juste, à cour, une table, une chaise, une lampe et un ordinateur. Artiste de l’économie de gestes et de moyens, Malicho Vaca Valenzuela propose de le suivre dans les rues de sa ville, Santiago du Chili, d’en découvrir les moindres recoins, d’en appréhender les problématiques et d’approcher au plus près de sa propre intimité. Imaginé pendant le confinement pour être partagé via Zoom, Reminscienca est une œuvre hybride, plus numérique que théâtrale, qui joue du passage permanent entre réalité du plateau et virtualité de la vidéo.
« Sin ti, no podré vivir jamás »
Seul sur scène, en short et chemise à la cool, l’artiste chilien joue de la souris et emmène le public, via le grand écran placé derrière lui, dans son monde : dans sa maison, non loin du Mapocho, rivière qui traversa la ville ; chez ses grands-parents, qui habitent juste à côté ; et dans son histoire de la maternité jusqu’à ce jour. Proposant d’entrée de jeu au public de chanter avec lui Sin ti de Los Panchos, il déplace immédiatement le curseur. C’est lui, sa personnalité, sa capacité sans bouger à habiter le plateau qui sont au cœur de cet objet scénique inclassable.
Et il en a, du charme et du bagout. Touchant et drôle, Malicho Vaca Valenzuela manie la dérision avec intelligence. Et au-delà de sa personne, dont on ne peut que tomber amoureux, c’est tout un univers qui défile devant nos yeux. Le voyage est immobile et dématérialisé, certes, mais il est guidé par la poésie, et l’on se laisse happer. Et peu à peu, derrière la déambulation innocente sur Google Street View, apparaissent les cris et les larmes, l’oppression et la révolte. Entremêlant les fils de la petite et la grande histoire, il juxtapose des images chères à son cœur, où ses grands-parents complices chantent ensemble de vieux hits, et des extraits de journaux d’information le montrant jeune, militant, pris dans les grands combats du Chili pour l’égalité et la justice.
Petite forme et grande force
En laissant deviner les blessures qui l’animent et le poussent, il touche au plus juste, à l’endroit du cœur. Au-delà des fragilités inhérentes à ce type de dispositif, la forme mériterait encore d’être resserrée. Mais Malicho Vaca Valenzuela en a conscience, et oriente le regard du public vers ce qui est sa grande force : un talent de conteur et une sensibilité qui ne peuvent que faire mouche. Le jeune artiste deviendra grand. C’est une certitude !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Avignon
Reminiscienca de Malicho Vaca Valenzuela
Festival d’Avignon
Gymnase du Lycée Mistral
20 boulevard Raspail, 84000 Avignon
Du 17 au 21 juillet 2024
durée 55 min
Tournée
Du 3 au 5 octobre 2024 au Rutas Festival (Toronto, Canada)
13 octobre 2024 au Festival Festara (Araçatuba, Brésil)
16 et 17 octobre 2024 au Quai Centre dramatique national d’Angers-Pays de la Loire
9 novembre 2024 au Linha de Fuga (Coimbra, Portugal)
20 et 21 novembre 2024 au Théâtre l’Aire Libre (Saint-Jacques de la Lande)
28 novembre 2024 au Théâtre Cinéma Paul Eluard (Choisy-le-Roi, France)
29 et 30 novembre 2024 au Next Festival (Lille)
Du 4 au 8 décembre 2024 au Théâtre Vidy-Lausanne (Suisse)
Texte, création, mise en scène, dramaturgie et vidéo de Malicho Vaca Valenzuela
Avec Rosa Alfaro, Malicho Vaca Valenzuela, Lindor Valenzuela
Lumière de Nicolás Zapata
Assistanat à la mise en scène – Ébana Garín Coronel
Traduction pour le surtitrage Béryl Chanteux (français), Christine Hills (anglais)
Régie générale et vidéo Malicho Vaca Valenzuela et Régie plateau Ébana Garín Coronel