Des mots abîmés, des accords oubliés et des règles de grammaire malmenées, nous replongent dans nos années collège. Abordant avec esprit la transmission et la pédagogie, Pennac revisite les cours de français de notre enfance leur donnant le goût de l’apprentissage, le désir d’étudier. Habité par le texte ciselé du père de Malaussène, Laurent Natrella invite à retourner à l’école.
Devant un grand écran blanc, quelques chaises de bois et de métal disposées face un petit bureau à l’ancienne nous laissent entrevoir l’esquisse d’une classe d’école. Très vite, les souvenirs d’une enfance révolue refont surface. Les cours de maths, de français, de géographie, les professeurs plus ou moins sympathiques, les copains d’avant, tout revient comme un doux ou mauvais rêve. C’est selon, chacun son histoire.
Entre côté jardin, le pas décidé, une silhouette longiligne. Après une courte présentation, c’est le début de l’année. Ce prof (éblouissant Laurent Natrella) fait d’un autre bois, d’une autre essence, que beaucoup d’autres, interpelle ses élèves, les poussent à dépasser leurs limites. Il met en place des rituels facétieux qui forcent ces jeunes têtes renfrognées à sortir de leur confort, à trouver chaque jour de nouvelles idées pour déjouer les habitudes. Ainsi, quand il fait l’appel derrière son bureau, il imite les réponses, se joue avec beaucoup de tendresse du ton donné, qu’il soit revêche, enjoué, endormi ou neutre.
Une heure durant, Laurent Natrella, charmeur, enjôleur, nous replonge dans ces années douloureuses d’apprentissage, que l’on espérait depuis longtemps oubliées. Mais loin de jouer les rébarbatifs, il incarne avec un naturel confondant ce professeur qui a enchanté notre adolescence, qui a su nous captiver, nous enivrer, nous rendre meilleur. S’appuyant sur le texte poétique, drôle, émouvant du père de Malaussène, il compose une ode au plus beau métier du monde en lui redonnant ses lettres de noblesse. Ici, il n’est pas question de sanction, de punition, mais bien de transmission.
S’éloignant quelques peu des règles, réinventant les méthodes d’enseignement, remettant cent fois sur le métier son ouvrage, Daniel Pennac esquisse les contours d’une pédagogie inventive et ingénieuse qui oblige l’élève à être et pas à subir. S’inspirant de sa propre expérience d’enseignant, il signe un conte moderne et rafraîchissant à la limite de l’utopie.
Totalement habité par ce personnage de prof à la marge, Laurent Natrella conquiert les cœurs de ses élèves- spectateurs. Le temps d’une petite heure, il donne l’envie de revenir user nos culottes sur le banc du collège. Bravo !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Chagrin d’école de Daniel Pennac
Dans le cadre des Singulis
Studio de la Comédie Française
99, rue de Rivoli
75001
jusqu’au 18 février 2018
du mercredi à dimanche 20h30
durée 1h05
Conception et interprétation Laurent Natrella
Crédit photos © Vincent Pontet, collection Comédie-Française