Vous êtes une habituée du festival…
Firmine Richard : Effectivement, je suis souvent venue ici. J’ai même vu la naissance du Verbe incarné ! Les premiers jours, je me souviens qu’on était là avec nos éventails. C’était l’enfer ! Il n’y avait pas de clim à l’époque !
Et votre premier festival, c’était en quelle année ?
Firmine Richard : Oh, là, là, mon dieu ! C’était en 1995, place de l’Horloge, au Forum, avec une pièce qui s’appelait MaryGoldstein et son auteur d’Oyamo. L’année d’après, c’était au Théâtre des Halles, avec les Lettres indiennes de Gerty Dambury, dans une mise en scène d’Alain Timár.
J’ai lu dans un article que pour vous, le festival d’Avignon était très important…
Firmine Richard : Oui, c’est vrai ! Quand on aime le théâtre et quand on a envie d’en faire, c’est passionnant. Mais c’est aussi très dur. Je plains les petites compagnies qui sont obligées de tout faire et de tracter tout le temps. Moi, je veux bien tracter, mais pour le plaisir ! Bien sûr, il faut tracter parce que c’est comme ça qu’on peut faire venir du monde, mais c’est terrible. Quelquefois, vous n’êtes pas bien accueillis par les gens qui n’ont envie que de manger ou de se balader tranquillement. Mais il n’empêche que j’adore le festival d’Avignon !
Pourtant vous n’y êtes pas venue depuis dix ans ?
Firmine Richard : La dernière fois, c’était en 2014, avec La faute à la vie de Maryse Condé. Une pièce qu’elle avait écrite pour Simone Paulin et moi. Nous l’avons jouée ici, à la Chapelle du Verbe incarné, dans une mise en scène de José Jernidier. Comme Maryse n’habitait pas très loin, à Gordes, elle pouvait venir entendre ses mots.
Et dix après, vous revoilà à la Chapelle du Verbe incarné, avec Olympe de Franck Salin…
Firmine Richard : Cette pièce a été créée à Montauban, en février dernier, au Théâtre Olympe de Gouges. Elle est coproduite par la Scène nationale de la Guadeloupe, L’Artchipel. Donc, forcément, on en a parlé à Greg [Germain] et à Marie-Pierre [Bousquet]. Tout de suite ils ont dit : « Quand vous voulez et à l’heure que vous voulez ! » Et nous voilà ici avec un très grand bonheur !
Pourquoi Olympe de Gouges ?
Firmine Richard : J’avais envie de faire, et ce depuis très longtemps, un seul en scène. J’avais même commencé à travailler dessus avant le covid. Je parlais de ma propre histoire. Mais finalement, quand j’ai eu le covid qui m’a rendue très malade, je n’ai plus eu envie de revenir sur le thème que j’avais choisi. Je n’avais plus envie de faire cela. Puis, un jour, le musicien et compositeur guadeloupéen Edmony Krater me demande d’être la marraine de la troisième édition de son festival, Place au Gwoka, à Montauban, là où il vit. Et il me dit lors de cette rencontre que c’est la ville de naissance d’Olympe de Gouges. Ce nom résonne dans ma tête ! Je lui propose alors, pour présenter le festival, de dire quelques articles de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. En me documentant, je lui dis qu’il serait intéressant de faire quelque chose autour d’Olympe. Et j’en parle à Franck Salin parce que, pour moi, il était le seul dramaturge qui pouvait écrire quelque chose de bien. De son côté, Edmony l’avait aussi appelé. Ça a fait tilt ! Franck a fait un travail de documentation énorme et a écrit une très belle pièce à partir de la correspondance et de l’œuvre d’Olympe de Gouges.
Olympe de Gouges qui est une des toutes premières personnes à avoir dénoncé l’esclavage…
Firmine Richard : Tout à fait. L’une des premières femmes qui s’est engagée pour l’abolition de l’esclavage des Noirs. Elle a été guillotinée pour ses idées. Et elle était contre la peine de mort ! En ce moment, on parle beaucoup de la Déclaration des droits de l’homme mais il faut parler aussi de la Déclaration des droits de la femme.
Et que ce soit vous, une comédienne née en Guadeloupe, qui l’interprète, c’est un sacré pied de nez…
Firmine Richard : C’était logique que ce soit moi ! Je dis toujours que je suis là où on ne m’attend pas, et j’en suis très contente. Olympe de Gouges me parle, ses écrits et ses actes parlent à tout le monde. Dans le spectacle, on la retrouve dans sa cellule, elle va se faire guillotiner. Elle le sait, alors elle se remémore sa vie et ses combats. Je me sens légitime de l’incarner et de dire ses mots.
Propos recueillis par Marie-Céline Nivière
Olympe, d’après les œuvres et la correspondance d’Olympe de Gouges
Compagnie du Grand Carbet
Festival off Avignon
Théâtre de la Chapelle du Verbe incarné
21G rue des Lices
84000 Avignon
Du 5 au 21 juillet 2024 à 18h15 – relâches le 8 et le 15 juillet 2024
Durée 1h10
Texte et mise en scène de Franck Salin alias Frankito
avec Firmine Richard, Edmony Krater, Eugénie Ursch
Musique / composition d’Edmony Krater
Arrangement musical – Thierry Mvié
Chorégraphie de Jean Nanga
Costume d’Ayden (Glam Etnik)
Lumière de Roger Olivier
Vidéo & Son de David Dan
Voix Stéphane Floricien, José Jernidier, Stéphane Pradineau, Baliri Salin