Lacrima de Caroline Giuela Nguyen Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon
© Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon
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LACRIMA de Caroline Guiela Nguyen, le diable s’habille en Béliana

Au Festival d’Avignon, l’artiste à la tête du Théâtre National de Strasbourg présente sa dernière pièce à la rencontre de celles et ceux qui font de la haute-couture un art.

Le titre ne laisse aucune place au doute : il y aura des larmes et des tiraillements, dans cette dernière création de Caroline Guiela Nguyen. Avec LACRIMA, la directrice du TNS s’immerge dans une maison haute-couture à l’occasion d’une commande qui va venir en bouleverser le quotidien. En préparation du mariage du siècle, l’atelier français Béliana a été requis pour concevoir la robe de la princesse d’Angleterre, avec tout ce que cette expérience comporte de pression subie. À partir de ce contexte particulièrement tendu, la metteuse en scène entend creuser dans les méandres des relations humaines pour en faire ressortir tout un spectre d’émotions.

© Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

En effet, il est moins question de créer un suspense autour de la fameuse robe – qui nous apparaît déjà dans sa dernière version avant même le début de la représentation –, que d’en suivre le parcours de création par le prisme de celles et ceux qui y auront contribué. D’Alençon à Mumbaï en passant par Paris ou Londres, Caroline Guiela Nguyen prend le prétexte du long voyage de cette pièce d’exception pour donner écho à sa dramaturgie. Dans une volonté affirmée de réalisme, elle se nourrit des habitudes de communication prises pendant la crise sanitaire et qui font désormais partie de notre quotidien. Rythmant sa pièce d’appels en visio qui justifient en partie l’usage de la vidéo au plateau, la metteuse en scène mêle le récit ordinaire de ses personnages à la situation inhabituelle à laquelle ils sont confrontés.

L’intention est claire et se construit, en dépit d’une interprétation parfois fragile dans son naturalisme, au gré d’une dynamique qui s’assume comme prosaïque. Derrière ses aspirations tragiques, LACRIMA ne compose plus avec des héros ou des héroïnes. La pièce cherche au contraire à provoquer la rencontre de ces personnes que le quotidien a envahi et dont le destin n’a habituellement pas sa place sur une scène. En cela, Caroline Guiela Nguyen convoque une fois de plus une vision personnelle de son art, quitte à y perdre la notion de théâtralité. Car malgré leur rareté sur les plateaux, la vie de ces personnages ressort avec une certaine trivialité, précisément renforcée par la recherche systématique de réalisme.

© Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

Pourtant la narration fonctionne, à n’en pas douter. Dans la scénographie d’Alice Duchange, elle aussi essentiellement naturaliste, la metteuse en scène imagine des espaces multiples qui lui permettent de développer son récit à plusieurs voix et en plusieurs lieux. De cette manière, elle tisse avec LACRIMA un format efficace dans sa structure en parties, qui se rapproche des films et séries qui se consomment aujourd’hui par centaines. Ici aussi, il est question d’aborder le plus possible de sujets brûlants : la santé mentale au travail, l’emprise d’un mari violent, la dépression, la détresse des jeunes générations… Dans ce périple aux quatre coins du monde, il est aussi question d’héritage et de savoir-faire, d’une forme résiduelle de colonialisme, de l’absurdité des traditions qui se confrontent au monde moderne… Peu de problématiques échappent finalement à la plume de Caroline Guiela Nguyen.

Reste qu’une fois la boucle bouclée – la scène qui vient clôturer la pièce est aussi celle qui ouvre le spectacle –, LACRIMA prend fin comme on referme une simple parenthèse. Au fil du processus de création de la robe du siècle, la pièce aura surtout mené à des rencontres éphémères entre les spectateurs et les personnages, dans un récit qui sort difficilement de son propre cadre et dont les émotions, essentiellement insidieuses quand elles n’éclatent pas avec force, peinent à se transmettre de la scène à la salle. 


LACRIMA de Caroline Guiela Nguyen
Festival d’Avignon
Du 1er au 11 juillet 2024
Durée 2h55

Tournée
Du 24 septembre au 3 octobre 2024 : Théâtre national de Strasbourg
20 et 21 novembre 2024 : La Comédie Centre dramatique national de Reims
Du 28 au 30 novembre 2024 : Piccolo Teatro di Milano (Italie)
Du 7 au 11 décembre 2024 : Théâtre du Nord Centre dramatique national – Lille Tourcoing Hauts-de-France
18 et 19 décembre 2024 : Tandem Scène nationale d’Arras-Douai
7 janvier au 6 février 2025 : Odéon-Théâtre de l’Europe (Paris)
13 au 21 février 2025 : Les Célestins Théâtre de Lyon
26 au 28 février 2025 : Théâtre national de Bretagne (Rennes)
14 et 15 mars 2025 : Les Théâtres de la Ville de Luxembourg
20 et 21 mars 2025 : Théâtre de Liège (Belgique)
Du 28 au 30 mars 2025 : Centro Dramático Nacional (Espagne)

Avec Dan Artus, Dinah Bellity, Natasha Cashman, Charles Vinoth Irudhayaraj, Anaele Jan Kerguistel, Maud Le Grevellec, Liliane Lipau, Nanii, Rajarajeswari Parisot, Vasanth Selvam
et en vidéo Nadia Bourgeois, Charles Schera, Fleur Sulmont
et les voix de Louise Marcia Blévins, Béatrice Dedieu, David Geselson, Kathy Packianathan, Jessica Savage-Hanford
Texte et mise en scène Caroline Guiela Nguyen
Traductions Nadia Bourgeois, Carl Holland, Rajarajeswari Parisot (langue des signes française, anglais, tamoul)
Collaboration artistique Paola Secret
Scénographie Alice Duchange
Costumes et pièces couture Benjamin Moreau
Musique Jean-Baptiste Cognet, Teddy Gauliat-Pitois, Antoine Richard 
Son Antoine Richard en collaboration avec Thibaut Farineau
Lumière Mathilde Chamoux, Jérémie Papin
Vidéo Jérémie Scheidler
Motion Design Marina Masquelier
Coiffure, postiches et maquillage Émilie Vuez
Casting Lola Diane
Consultation artistique Juliette Alexandre, Noémie de Lapparent
Musiques enregistrées Quatuor Adastra – quatuor à cordes
Traduction en anglais pour le surtitrage Panthea (anglais)
Assistanat à la mise en scène Iris Baldoureaux-Fredon
Assistanat à la dramaturgie Louison Ryser, Tristan Schinz, Hugo Soubise
Régie générale Stéphane Descombes, Xavier Lazarini

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